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    Dans mon chagrin rien n'est en mouvement
    J'attends personne ne viendra
    Ni de jour ni de nuit
    Ni jamais plus de ce qui fut moi-même

    Mes yeux se sont séparés de tes yeux
    Ils perdent leur confiance ils perdent leur lumière
    Ma bouche s'est séparée de ta bouche
    Ma bouche s'est séparée du plaisir
    Et du sens de l'amour et du sens de la vie
    Mes mains se sont séparées de tes mains
    Mes mains laissent tout échapper
    Mes pieds se sont séparés de tes pieds
    Ils n'avanceront plus il n'y a plus de routes
    Ils ne connaîtront plus mon poids ni le repos

    Il m'est donné de voir ma vie finir
    Avec la tienne
    Ma vie en ton pouvoir
    Que j'ai crue infinie

    Et l'avenir mon seul espoir c'est mon tombeau
    Pareil en tien cerné d'un monde indifférent

    J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres.

    Paul Eluard *

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    Le temps viendra
    où, avec allégresse,
    tu t'accueilleras toi-même, arrivant
    devant ta propre porte, ton propre miroir,
    et chacun sourira du bon accueil de l'autre

    et dira : assieds-toi. Mange.
    Tu aimeras de nouveau l'étranger qui était toi.
    Donne du vin. Donne du pain. Redonne ton cœur
    à lui-même, à l'étranger qui t'a aimé

    toute ta vie, que tu as négligé
    pour un autre, et qui te connait par cœur.
    Prends sur l'étagère les lettres d'amour,

    les photos, les mots désespérés,
    détache ton image du miroir.
    Assieds-toi. Régale-toi de ta vie.

    Derek Walcott *

     

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  •  On y descend par une spirale, une damnation.

    De la vue, à la voix.  de la voix, au souffle, parfum, odeurs.

    De l'odeur au goût : mordre, enfoncer, salives.

    Fonds du puits, intérieur ultime est le toucher.

    Le touché absolu du corps.  la jouissance et la décomposition.

    Le touché des mains, de la chair, la coexistence en un même lieu mental, en un même corps des corps, le dire dans la bouche, le goût, le souffle, l'entrelacement qui respire pénètre.

    Pour la méditation des cinq sens, là était la recollection de mortalité.

    Si la distance évanouissante des deux corps, brûlant de leur infiniment présente brûlure : paradis veillant sur son envers.

    Toutes stations que maintenant je descends en enfer, par le souvenir.

    "Quelque chose noir" Jacques Roubaud

     

     

     

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    En 1955, 10 ans après que les États-Unis aient lâché une bombe sur Hiroshima (Japon), le poète turc Nâzim Hikmet a écrit un poème. Une petite fille de 7 ans, morte dans cet instant horrible, y fait entendre sa voix. La traduction japonaise par Nobuyuki Nakamoto, « Shinda Onnanoko » (« la fille morte ») est souvent chantée lors des commémorations de cette atrocité. La guerre est abominable et devant l’élargissement du conflit, nous devons écouter de nouveau ses paroles, aussi belles qu’obsédantes :

    Je viens et je me dresse devant chaque porte
    mais personne n’entend le silence de mes pas.
    Je frappe, mais l’on ne me voit pas
    Car je suis morte, je suis morte

    J’ai 7 ans seulement, pourtant je suis morte
    à Hiroshima il y a longtemps.
    J’ai toujours 7 ans comme au jour de ma mort,
    Les enfants morts ne grandissent pas

    Mes cheveux se sont enflammés à la flamme tournoyante
    Mes yeux se sont éteints, ils sont devenus aveugles.
    La mort est venue, elle a réduit mes os en poussière
    que le vent a dispersée.

    Je ne demande pas de fruits, je ne demande pas de riz.
    Je ne demande pas de bonbons, pas même du pain.
    Je ne demande rien pour moi,
    puisque je suis morte, je suis morte

    Tout ce que je vous demande
    c’est que vous vous battiez pour la paix, pour la paix,
    pour que les enfants du monde
    puisse vivre et grandir et rire et jouer.

     

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    ET pourquoi faut-il une image?

    Pourquoi, insensible à l'affirmation comme à la négation, dans le monde, insistante, subsistante, indestructible, pure répétition, même de rien, une image?

    Pourquoi faut-il cette image?

    Le monde s'est peuplé d'objets  incolores, apatrides, noyau dur sur lequel la négation n'avait prise qu'au dixième tout une fois la couleur vidée, les mouvement, etc...

    Mais à être-ainsi avais tu encore une définition?

    Pas une définition terminée, pas une fin de conformité, à ta définition, pas une désignation coupée, un nom coupé. pas.

    Entouré d'images de toi, choisies par ton regard. choisies et par ta pensée éclairées. pensée de l'argent du noir. dispersé en images de toi.

    Ce n'est pas que tes images se dérobent. ce n'est pas qu'elles soient nombreuses, et mentent, pour rien. mais que je ne pourrai jamais en savoir plus.

    Tu disais : "le singulier est idiot".

    "Quelque chose noir" Jacques Roubaud

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