• Oui dès l'instant que je vous vis
    Beauté féroce, vous me plûtes
    De l'amour qu'en vos yeux je pris
    Sur-le-champ vous vous aperçûtes
    Mais de quel air froid vous reçûtes
    Tous les soins que pour vous je pris !
    Combien de soupirs je rendis !
    De quelle cruauté vous fûtes !
    Et quel profond dédain vous eûtes
    Pour les voeux que je vous offris !
    En vain, je priai, je gémis,
    Dans votre dureté vous sûtes
    Mépriser tout ce que je fis ;
    Même un jour je vous écrivis
    Un billet tendre que vous lûtes
    Et je ne sais comment vous pûtes,
    De sang-froid voir ce que je mis.
    Ah ! Fallait-il que je vous visse
    Fallait-il que vous me plussiez
    Qu'ingénument je vous le disse
    Qu'avec orgueil vous vous tussiez
    Fallait-il que je vous aimasse
    Que vous me désespérassiez
    Et qu'enfin je m'opiniâtrasse
    Et que je vous idolâtrasse
    Pour que vous m'assassinassiez

     

    Alphonse Allais

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  • Terre Lune, Terre Lune
    Ce soir j'ai mis mes ailes d'or
    Dans le ciel comme un météore
    Je pars
    Terre Lune, Terre Lune
    J'ai quitté ma vieille atmosphère
    J'ai laissé les morts et les guerres
    Au revoir
    Dans le ciel piqué de planètes
    Tout seul sur une lune vide
    Je rirai du monde stupide
    Et des hommes qui font les bêtes
    Terre Lune, Terre Lune
    Adieu ma ville, adieu mon cœur
    Globe tout perclus de douleurs
    Bonsoir.

     

    Boris Vian

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  •  

    Entre à la nuit sans rivages
    Si tu n’es toi qu’en passant
    L’oubli rendra ton visage
    Au coeur d’où rien n’est absent

    Ton silence né d'une ombre
    Qui l'accroît de tout le ciel
    Eclôt l'amour où tu sombres
    Aux bras d'un double éternel

    Et t'annulant sous ses voiles
    Pris à la nuit d'une fleur
    Donne des yeux à l'étoile
    Dont ton fantôme est le coeur.

     

    Joë Bousquet

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  • Seras-tu de l’amour l’éternelle pâture ?
    A quoi te sert la volonté,
    Si ce n’est point, ô cœur, pour vaincre ta torture,
    Et dans la paix enfin, plus fort que la nature,
    T’asseoir sur le désir dompté,
    Ainsi qu’un bestiaire, après la lutte, règne
    Sur son tigre qui s’est rendu,
    Et s’assied sur la bête, et, de son poing qui saigne
    La courbant jusqu’à terre, exige qu’elle craigne
    Alors même qu’elle a mordu ?
    Et comme ce dompteur, seul au fond de la cage,
    Ne cherche qu’en soi son appui,
    Car nul dans ce péril avec lui ne s’engage,
    Et nul ne sait parler le tacite langage
    Que le monstre parle avec lui,
    Ainsi, dans les combats que le désir te livre,
    Ne compte sur personne, ô cœur !
    N’attends pas, sous la dent, qu’un autre te délivre !
    Tu luttes quelque part où nul ne peut te suivre,
    Toujours seul, victime ou vainqueur.

     

    Sully Prudhomme

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  • Oh ! je fus comme fou dans le premier moment,
    Hélas ! et je pleurai trois jours amèrement.
    Vous tous à qui Dieu prit votre chère espérance,
    Pères, mères, dont l'âme a souffert ma souffrance,
    Tout ce que j'éprouvais, l'avez-vous éprouvé ?
    Je voulais me briser le front sur le pavé ;
    Puis je me révoltais, et, par moments, terrible,
    Je fixais mes regards sur cette chose horrible,
    Et je n'y croyais pas, et je m'écriais : Non ! --
    Est-ce que Dieu permet de ces malheurs sans nom
    Qui font que dans le coeur le désespoir se lève ? --
    Il me semblait que tout n'était qu'un affreux rêve,
    Qu'elle ne pouvait pas m'avoir ainsi quitté,
    Que je l'entendais rire en la chambre à côté,
    Que c'était impossible enfin qu'elle fût morte,
    Et que j'allais la voir entrer par cette porte !

    Oh ! que de fois j'ai dit : Silence ! elle a parlé !
    Tenez ! voici le bruit de sa main sur la clé !
    Attendez! elle vient ! laissez-moi, que j'écoute !
    Car elle est quelque part dans la maison sans doute !

     

    Victor HUGO 1802 - 1885 *

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