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Par Cruella le 17 Mars 2022 à 09:10
Quatre saisons comblent la mesure de l'année ;
Quatre saisons se partagent l'esprit de l'homme ;
Il a son vigoureux printemps, lorsque sa pure fantaisie
Saisit en tout la Beauté, simplement en étendant la main.
Il a son été, lorsque voluptueusement
Récoltant le miel des jeunes pensées printanières, il se plait
A ruminer, et, en s'élevant dans ces hauteurs de rêve,
Il se rapproche le plus du ciel ; de paisibles baies
Abritent son âme en Automne, alors que, les ailes
Etroitement repliées, il se contente de regarder
Les brumes, dans l'oisiveté – de laisser les belles choses
Le côtoyer sans les utiliser plus qu'un ruisseau à sa source.
Il a son hiver, aussi, de pâle déformation,
Autrement il abdiquerait sa nature mortelle.John Keats *
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Par Cruella le 3 Mars 2022 à 10:30
Ah! que ne suis-je ton miroir
Que toujours tu veuilles me voir!
Si je pouvais être ta robe
Afin que toujours tu me portes!
Je voudrais devenir cette onde
Où tu t'en viens baigner ton corps.
Je voudrais, mon amie, encor
Être le parfum qui t'inonde,
La bandelette de tes seins,
Ou la perle à ton corps portée.
Je voudrais être la sandale
Et qu'au moins me foulent tes pieds."Anthologie de la poésie grecque" Robert Brasillach *
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Par Cruella le 28 Février 2022 à 09:40
Que n'ai-je appris l'amour sous un regard moins beau !
Je n'aurais pas traîné si longtemps sur la terre
Cet âpre souvenir, le seul que rien n'altère,
Et qui, le plus lointain, me soit toujours nouveau.
Hélas ! je ne peux pas souffler comme un flambeau
L'œil bleu, pâle qui luit dans mon cœur solitaire ;
On ne se remplit pas d'une nuit volontaire,
Pas même en se voilant des ombres du tombeau.
Que n'ai-je, comme eux tous, aimé d'abord la grâce,
Non la grande beauté qui fait mal, qui dépasse
L'horizon du désir et la force du cœur !
J'eusse aimé librement selon ma fantaisie ;
Mais l'amante que j'ai, je ne l'ai pas choisie,
Je ne pourrais pas plus la changer que ma sœur.René-François Sully Prudhomme *
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Par Cruella le 23 Février 2022 à 14:10
Ce soir après la pluie est doux ; soir de septembre
Si doux qu'on en voudrait pleurer, si plein d'abeilles
Qu'on fuit tout défaillant la pénombre des chambres.
C'est un soir de septembre un peu triste, et c'est veille
De dimanche, et c'est l'heure ou ceux de la maison
Viennent s'asseoir parmi les roses du perron.
C'est un soir de septembre et veille de dimanche.
On se tait ; la maison et les roses sont blanches.
L'automne, enlumineur silencieux et lent,
A déjà sur les murs rougi la vigne vierge.
La brise aux doigts furtifs fait trembler de l'argent
Sur la feuille, paupière agitée, et sur l'herbe ;
Avec l'angélus grave et résigné chemine
Le multiple retour, au lointain, des clarines ;
Des chariots de foin oscillent sur la route ;
Les peupliers d'or clair frémissent ; on écoute
Retomber le marteau sur le contre-heurtoir,
Et le plaintif appel des mendiants du soir.
Les fleurs lasses se font plus lourdes sur leurs tiges,
Une étrange langueur, souffle à souffle, voltige
De l'aïeule, songeuse à cause de la mort,
A la vierge, pensive à cause de l'amour.
Nul ne parle ; la chair s'inquiète ; le jour
Impalpable s'efface et fond, comme un accord
Expire... Et la nuit monte, hélas ! au coeur des hommes.
A cette heure indécise où rampent les ténèbres,
La prière en secret nous écarte les lèvres,
Comme la source entrouvre un sable amer ; nous sommes
Humbles, nous voudrions être pareils, mon Dieu,
A ce candide azur qui forme le ciel bleu
Et que nos reins, comme la chair des chastes veuves,
N'aient plus pour lit d'amour qu'une tombe où s'étendre.
Quand détacherons-nous notre coeur de la femme,
Pour employer à vous servir des forces neuves ?
Ô poignante douceur de ce soir de septembre !
A présent le silence est grand sur la campagne.
Il est tard, et voici que la nuit est venue
Et que nous frissonnons d'une angoisse inconnue.
Ô Seigneur, accablez notre âme et nos paupières
D'un sommeil plus pesant et plus lourd que la pierre ;
Faites autour de nous à travers l'ombre noire
Marcher à pas muets des heures sans mémoire,
Et que la paix des morts nous gagne, et qu'on oublie
Toute cette tristesse immense de la vie !Charles GUÉRIN(1873 - 1907)
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Par Cruella le 14 Février 2022 à 12:22
Je t'aime, ô mon amant
Ma chair émue garde le souvenir de ton baiser
Baiser doux et subtil, tendre et profond
J'ai la hantise de ta chair pénétrant ma chair
Tu m'as fait tienne
J'ai nié le pouvoir de la chair
Blasphème !
Ô chair, divine chair
Sois bénie
Je me sens lasse
Délicieusement lasse
Je niais la volupté,
Ô crime, je t'avais reniée, ô volupté !
Je te célèbre aujourd'hui sur le mode majeur et sur le mode mineur
Ce soir je renais à l'amour
Vibration divine
Je me sens lasse, infiniment lasse
De la bonne fatigue,
De la fatigue sacrée
J'ai reçu le baiser de la communion
Et bu l'eau du baptême
Je suis ivre d'amour
Ton baiser savant et répété
A fait sourdre des profondeurs de mon être
Où il croyait pour toujours sommeiller,
Le désir ancestral des faunesses,
Ah! verse-moi, verse-moi l'ivresse
Prends-moi, prends-moi toute en ta caresse
De nos corps confondus s'élève une odeur de folie
Tes baisers ont fait chanter toutes les cordes
de mon corps tendues comme une harpe
Et je m'ouvre en un suprême appel
Pour recevoir l'offrande de ton amour
Denyse de Magny *
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