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    Quatre saisons comblent la mesure de l'année ;
    Quatre saisons se partagent l'esprit de l'homme ;
    Il a son vigoureux printemps, lorsque sa pure fantaisie
    Saisit en tout la Beauté, simplement en étendant la main.
    Il a son été, lorsque voluptueusement
    Récoltant le miel des jeunes pensées printanières, il se plait
    A ruminer, et, en s'élevant dans ces hauteurs de rêve,
    Il se rapproche le plus du ciel ; de paisibles baies
    Abritent son âme en Automne, alors que, les ailes
    Etroitement repliées, il se contente de regarder
    Les brumes, dans l'oisiveté – de laisser les belles choses
    Le côtoyer sans les utiliser plus qu'un ruisseau à sa source.
    Il a son hiver, aussi, de pâle déformation,
    Autrement il abdiquerait sa nature mortelle.

    John Keats *

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    Ah! que ne suis-je ton miroir
    Que toujours tu veuilles me voir!
    Si je pouvais être ta robe
    Afin que toujours tu me portes!
    Je voudrais devenir cette onde
    Où tu t'en viens baigner ton corps.
    Je voudrais, mon amie, encor
    Être le parfum qui t'inonde,
    La bandelette de tes seins,
    Ou la perle à ton corps portée.
    Je voudrais être la sandale
    Et qu'au moins me foulent tes pieds.

    "Anthologie de la poésie grecque"  Robert Brasillach *

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    Que n'ai-je appris l'amour sous un regard moins beau !
    Je n'aurais pas traîné si longtemps sur la terre
    Cet âpre souvenir, le seul que rien n'altère,
    Et qui, le plus lointain, me soit toujours nouveau.

    Hélas ! je ne peux pas souffler comme un flambeau
    L'œil bleu, pâle qui luit dans mon cœur solitaire ;
    On ne se remplit pas d'une nuit volontaire,
    Pas même en se voilant des ombres du tombeau.

    Que n'ai-je, comme eux tous, aimé d'abord la grâce,
    Non la grande beauté qui fait mal, qui dépasse
    L'horizon du désir et la force du cœur !

    J'eusse aimé librement selon ma fantaisie ;
    Mais l'amante que j'ai, je ne l'ai pas choisie,
    Je ne pourrais pas plus la changer que ma sœur.

    René-François Sully Prudhomme *

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    Ce soir après la pluie est doux ; soir de septembre
    Si doux qu'on en voudrait pleurer, si plein d'abeilles
    Qu'on fuit tout défaillant la pénombre des chambres.
    C'est un soir de septembre un peu triste, et c'est veille
    De dimanche, et c'est l'heure ou ceux de la maison
    Viennent s'asseoir parmi les roses du perron.
    C'est un soir de septembre et veille de dimanche.
    On se tait ; la maison et les roses sont blanches.
    L'automne, enlumineur silencieux et lent,
    A déjà sur les murs rougi la vigne vierge.
    La brise aux doigts furtifs fait trembler de l'argent
    Sur la feuille, paupière agitée, et sur l'herbe ;
    Avec l'angélus grave et résigné chemine
    Le multiple retour, au lointain, des clarines ;
    Des chariots de foin oscillent sur la route ;
    Les peupliers d'or clair frémissent ; on écoute
    Retomber le marteau sur le contre-heurtoir,
    Et le plaintif appel des mendiants du soir.
    Les fleurs lasses se font plus lourdes sur leurs tiges,
    Une étrange langueur, souffle à souffle, voltige
    De l'aïeule, songeuse à cause de la mort,
    A la vierge, pensive à cause de l'amour.
    Nul ne parle ; la chair s'inquiète ; le jour
    Impalpable s'efface et fond, comme un accord
    Expire... Et la nuit monte, hélas ! au coeur des hommes.

    A cette heure indécise où rampent les ténèbres,
    La prière en secret nous écarte les lèvres,
    Comme la source entrouvre un sable amer ; nous sommes
    Humbles, nous voudrions être pareils, mon Dieu,
    A ce candide azur qui forme le ciel bleu
    Et que nos reins, comme la chair des chastes veuves,
    N'aient plus pour lit d'amour qu'une tombe où s'étendre.
    Quand détacherons-nous notre coeur de la femme,
    Pour employer à vous servir des forces neuves ?

    Ô poignante douceur de ce soir de septembre !
    A présent le silence est grand sur la campagne.
    Il est tard, et voici que la nuit est venue
    Et que nous frissonnons d'une angoisse inconnue.
    Ô Seigneur, accablez notre âme et nos paupières
    D'un sommeil plus pesant et plus lourd que la pierre ;
    Faites autour de nous à travers l'ombre noire
    Marcher à pas muets des heures sans mémoire,
    Et que la paix des morts nous gagne, et qu'on oublie
    Toute cette tristesse immense de la vie !

     

    Charles GUÉRIN(1873 - 1907)

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  • Je t'aime, ô mon amant
    Ma chair émue garde le souvenir de ton baiser
    Baiser doux et subtil, tendre et profond
    J'ai la hantise de ta chair pénétrant ma chair
    Tu m'as fait tienne
    J'ai nié le pouvoir de la chair
    Blasphème !
    Ô chair, divine chair
    Sois bénie
    Je me sens lasse
    Délicieusement lasse
    Je niais la volupté,
    Ô crime, je t'avais reniée, ô volupté !
    Je te célèbre aujourd'hui sur le mode majeur et sur le mode mineur
    Ce soir je renais à l'amour
    Vibration divine
    Je me sens lasse, infiniment lasse
    De la bonne fatigue,
    De la fatigue sacrée
    J'ai reçu le baiser de la communion
    Et bu l'eau du baptême
    Je suis ivre d'amour
    Ton baiser savant et répété
    A fait sourdre des profondeurs de mon être
    Où il croyait pour toujours sommeiller,
    Le désir ancestral des faunesses,
    Ah! verse-moi, verse-moi l'ivresse
    Prends-moi, prends-moi toute en ta caresse
    De nos corps confondus s'élève une odeur de folie
    Tes baisers ont fait chanter toutes les cordes
    de mon corps tendues comme une harpe
    Et je m'ouvre en un suprême appel
    Pour recevoir l'offrande de ton amour


    Denyse de Magny *

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