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    Quand tu constates les ravages
    Du mal qu’autrefois tu m’as fait,
    Devant cette mer sans rivages,
    Tu sembles rester stupéfait.

    Et de tes paupières baissées,
    Sur moi tombe un regard sans prix,
    Ainsi se croisent nos pensées :
    Tu soupires, moi je souris !

    Louisa Siefert

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  • Le vin sait revêtir le plus sordide rouge
    D'un luxe miraculeux,
    Et fait surgir plus d'un portique fabuleux
    Dans l'or de sa vapeur rouge,
    Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux.

    L'opium agrandit ce qui n'a pas de bornes,
    Allonge l'illimité,
    Approfondit le temps, creuse la volupté,
    Et de plaisirs noirs et mornes
    Remplit l'âme au delà de sa capacité.

    Tout cela ne vaut pas le poison qui découle
    De tes yeux, de tes yeux verts,
    Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers...
    Mes songes viennent en foule
    Pour se désaltérer à ces gouffres amers.

    Tout cela ne vaut pas le terrible prodige
    De ta salive qui mord,
    Qui plonge dans l'oubli mon âme sans remord,
    Et, charriant le vertige,
    La roule défaillante aux rives de la mort !

     

    Charles BAUDELAIRE (1821 - 1867) *

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  • Elle avait repoussé plus d’un amour banal,
    Et son âme chantait une idéale stance.
    Nous étions – mais j’oublie en quelle circonstance –
    Au jardin que berçait un souffle matinal.

    Un papillon, caché dans un lis virginal,
    S’enivrait de rosée. Il paya d’inconstance.
    Nous le vîmes s’enfuir une longue distance,
    Et la fleur, sembla-t-il, pleura l’adieu final.

    Elle la prit alors de ses beaux doigts de fée,
    La mit à son corsage ainsi qu’un fier trophée,
    Et le parfum semblait s’exhaler de son cœur.

    Elle tourna vers moi sa figure rosée,
    Et dans son œil humide, ouvert comme la fleur,
    Comme le papillon je bus de la rosée.

     

    Oeuvres de Pamphile Le May *

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    Ce blanc pied nu plonge dans l’herbe fraîche,
    Son pas, toute douceur, toute chasteté,
    Et par vertu de ces tendres empreintes
    Voici que les fleurs s’ouvrent, qu’elles embaument.

    Puis Amour, qui n’englue que les cœurs bien nés,
    Dédaignant d’imposer sa puissance aux autres,
    Me fait de ces beaux yeux un plaisir si vif
    Que je n’ai plus désir d’aucun autre bien.

    Elle va, elle me regarde, ses yeux brillent,
    Ses paroles sont tendres : en harmonie
    Avec sa modestie, sa noble réserve.

    Et ce sont là quatre étincelles, parmi d’autres,
    Dont naît l’immense feu dont je vis et brûle,
    Moi, cet oiseau de nuit dans le soleil.

    "Je vois sans yeux et sans bouche je crie" Pétrarque *

     

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  • Douceur du soir ! Douceur de la chambre sans lampe !
    Le crépuscule est doux comme une bonne mort
    Et l'ombre lentement qui s'insinue et rampe
    Se déroule en fumée au plafond. Tout s'endort.

    Comme une bonne mort sourit le crépuscule
    Et dans le miroir terne, en un geste d'adieu,
    Il semble doucement que soi-même on recule,
    Qu'on s'en aille plus pâle et qu'on y meure un peu.

    Des tableaux appendus aux murs, dans la mémoire
    Où sont les souvenirs en leurs cadres déteints,
    Paysage de l'âme et paysages peints,
    On croit sentir tomber comme une neige noire.

    Douceur du soir ! Douceur qui fait qu'on s'habitue
    A la sourdine, aux sons de viole assoupis ;
    L'amant entend songer l'amante qui s'est tue
    Et leurs yeux sont ensemble aux dessins du tapis.

    Et langoureusement la clarté se retire ;
    Douceur ! Ne plus se voir distincts ! N'être plus qu'un !
    Silence ! deux senteurs en un même parfum :
    Penser la même chose et ne pas se le dire.

    Georges RODENBACH

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