• Le Démon, dans ma chambre haute,
    Ce matin est venu me voir,
    Et, tâchant à me prendre en faute,
    Me dit : " Je voudrais bien savoir,

    Parmi toutes les belles choses
    Dont est fait son enchantement,
    Parmi les objets noirs ou roses
    Qui composent son corps charmant,

    Quel est le plus doux. " - Ô mon âme !
    Tu répondis à l'Abhorré :
    " Puisqu'en Elle tout est dictame,
    Rien ne peut être préféré.

    Lorsque tout me ravit, j'ignore
    Si quelque chose me séduit.
    Elle éblouit comme l'Aurore
    Et console comme la Nuit ;

    Et l'harmonie est trop exquise,
    Qui gouverne tout son beau corps,
    Pour que l'impuissante analyse
    En note les nombreux accords.

    Ô métamorphose mystique
    De tous mes sens fondus en un !
    Son haleine fait la musique,
    Comme sa voix fait le parfum ! "

     

    Charles BAUDELAIRE (1821 - 1867) *

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    Se sentant perdu dans cette société brisée
    Où ont disparu peu à peu liberté, égalité, fraternité
    Sauf durant les moments festifs et tragiques
    Pourquoi me sens-je perdu dans ce pays, jadis, si magique ?
    Exilé de l'intérieur, je vois se déconstruire le pays de mes parents
    L'impression d'être un étranger dans cette nation que j'aime tant
    Où les racines, la culture, le terroir que j'aime passionnément,
    Se désagrègent sous le feu des idéologies d'un autre temps
    Je n'ai pas raté une étape, j'ai pris conscience de la tragédie
    Lorsque les apparences priment sur les idées et la vie
    De nos enfants, dans un futur qui grouille d'incertitudes
    Je ne perçois que la décadence, le médiocre et la décrépitude
    Quelquefois, je vois l'espoir renaître parmi les cendres
    D'un passé où il n'était pas subversif de vouloir comprendre
    Ses origines, sans subir les injonctions de la bien-pensance
    Aimer à détester son histoire n'est pas ma définition de la France
    Éduquer passe par l'affection et la discipline
    Instruire, par la transmission, depuis nos racines
    Jusqu'à former des esprits critiques et réfléchis
    Pas seulement en demandant de se taire et de rester assis !
    Exilé de l'intérieur, je résiste à la destruction autoprogrammée
    De la culture, de la civilisation, du passé que j'ai appris à accepter
    L'avenir se construit chaque jour sur la mémoire de nos ancêtres
    Arrêtons de vouloir tout posséder, essayons déjà d'être !

    © Nicolas BOUVIER *

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    Dans l’interminable
    Ennui de la plaine,
    La neige incertaine
    Luit comme du sable.

    Le ciel est de cuivre
    Sans lueur aucune,
    On croirait voir vivre
    Et mourir la lune.

    Comme des nuées
    Flottent gris les chênes
    Des forêts prochaines
    Parmi les buées.

    Le ciel est de cuivre
    Sans lueur aucune.
    On croirait voir vivre
    Et mourir la lune.

    Corneille poussive
    Et vous, les loups maigres,
    Par ces bises aigres
    Quoi donc vous arrive ?

    Dans l’interminable
    Ennui de la plaine
    La neige incertaine
    Luit comme du sable.

    Paul Verlaine (1844-1896) *

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  • La cimaise ayant chaponné
    Tout l'éternueur
    Se tuba fort dépurative
    Quand la bixacée fut verdie :
    Pas un sexué pétrographique morio
    De mouffette ou de verrat.
    Elle alla crocher frange
    Chez la fraction sa volcanique
    La processionnant de lui primer
    Quelque gramen pour succomber
    Jusqu'à la salanque nucléaire.
    « Je vous peinerai, lui discorda-t-elle,
    Avant l'apanage, folâtrerie d'Annamite !
    Interlocutoire et priodonte. »
    La fraction n'est pas prévisible :
    C'est là son moléculaire défi.
    « Que ferriez-vous au tendon cher ?
    Discorda-t-elle à cette énarthrose.
    - Nuncupation et joyau à tout vendeur,
    Je chaponnais, ne vous déploie.
    -Vous chaponniez ? J'en suis fort alamante.
    Eh bien ! débagoulez maintenant. »

    (*)parodie de la cigale et la fourmi, composé dans le cadre de l’Oulipo :
    «OUvroir de LIttérature POtentielle »

     

    Raymond Queneau *

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  • Le Phénix rend hommage à Dominique la troisième compagne de Paul Eluard. Grâce à elle, tel le phénix, le poète renaît de ses cendres après le départ de Gala et la mort prématurée de Nusch, ses deux premières muses. De très beaux poèmes, chantant la vie, la femme et l’amour renaissant

    Air Vif

    J’ai regardé devant moi
    Dans la foule je t’ai vue
    Parmi les blés je t’ai vue
    Sous un arbre je t’ai vue

    Au bout de tous mes voyages
    Au fond de tous mes tourments
    Au tournant de tous les rires
    Sortant de l’eau et du feu

    L’été l’hiver je t’ai vue
    Dans ma maison je t’ai vue
    Entre mes bras je t’ai vue
    Dans mes rêves je t’ai vue

    Je ne te quitterais plus.

     

     Paul Eluard paru 1951 *

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