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    La mer de ma vie a été pendant cinq ans à sa marée basse ;
    De longues heures ont laissé rouler le sable par flux et reflux ;
    Depuis que je fus enlacé dans les rets de ta beauté,
    Que je fus séduit par le dégantement de ta main.
    Et maintenant je ne fixe plus le ciel à minuit,
    Sans que m'apparaisse la lueur de tes yeux restée vivace en moi ;
    Jamais je n'admire la couleur d'une rose,
    Sans que mon âme prenne son élan vers ta joue ;
    Il m'est impossible de regarder une fleur en bouton,
    Sans que mon oreille passionnée, en pensée à tes lèvres,
    Et guettant un amoureux soupir, se rassasie
    De sa douceur en sens inverse: - Tu éclipses
    Avec ton souvenir toutes les autres délices,
    Et mélanges de chagrin mes plaisirs les plus chers.

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    Et tombe une ceinture de soie
    À ses pieds --- tel un serpent divin
    On me dit que je serai calme
    Un jour, là-bas, sous la terre

    Je vois, arrogant et vieux
    Mon profil sous le brocart blanc
    Quelque part --- des gitans --- des guitares
    Et des garçons en manteau noir

    Et quelqu'un se cachant sous un masque
    --- Qui est-ce ? --- Je ne sais --- Devine !---
    Et tombe la ceinture de soie
    Sur la place, ronde comme le paradis

    14 mai 1917

    Marina Tsvetaeva *

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    Non seulement cette belle main nue
    Qui s’est gantée, à mon grand détriment,
    Mais l’autre, et ces deux bras : qu’ils sont habiles,
    Qu’ils sont prompts à étreindre mon cœur timide !

    Mille pièges me tend Amour, aucun en vain,
    Ce sont les tendres formes, pour moi si neuves,
    De ce corps noble et chaste : si célestes
    Qu’aucun art, aucune pensée, ne peuvent les rendre.

    Yeux en paix, dont les cils répandent la lumière,
    Bouche d’ange, superbe, qui laisse voir
    Des perles et des roses, et prononce des mots

    Si doux qu’ils font frémir de tant de merveille !
    Puis ce front, et ces tresses : à midi, l’été,
    Elles font oublier que le soleil brille.

    "Je vois sans yeux et sans bouche je crie" Pétrarque *

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    Seigneur, je suis dans le quartier des bons voleurs,
    Des vagabonds, des va-nu-pieds, des recéleurs.
    Je pense aux deux larrons qui étaient avec vous à la Potence,
    Je sais que vous daignez sourire à leur malchance.

    Seigneur, l’un voudrait une corde avec un noeud au bout,
    Mais ça n’est pas gratis, la corde, ça coûte vingt sous.
    Il raisonnait comme un philosophe, ce vieux bandit.
    Je lui ai donné de l’opium pour qu’il aille plus vite en paradis.

    Je pense aussi aux musiciens des rues,
    Au violoniste aveugle, au manchot qui tourne l’orgue de Barbarie,
    A la chanteuse au chapeau de paille avec des roses de papier ;
    Je sais que ce sont eux qui chantent durant l’éternité.
    Seigneur, faites-leur l’aumône, autre que de la lueur des becs de gaz,
    Seigneur, faites-leur l’aumône de gros sous ici-bas.

    Seigneur, quand vous mourûtes, le rideau se fendit,
    Ce qu’on vit derrière, personne ne l’a dit.
    La rue est dans la nuit comme une déchirure
    Pleine d’or et de sang, de feu et d’épluchures.
    Ceux que vous avez chassé du temple avec votre fouet,
    Flagellent les passants d’une poignée de méfaits.
    L’Etoile qui disparut alors du tabernacle,
    Brûle sur les murs dans la lumière crue des spectacles.
    Seigneur, la Banque illuminée est comme un coffre-fort,
    Où s’est coagulé le Sang de votre mort.

    Les rues se font désertes et deviennent plus noires.
    Je chancelle comme un homme ivre sur les trottoirs.
    J’ai peur des grands pans d’ombre que les maisons projettent.
    j’ai peur. Quelqu’un me suit. Je n’ose tourner la tête.
    Un pas clopin-clopant saute de plus en plus près.
    J’ai peur. J’ai le vertige. Et je m’arrête exprès.
    Un effroyable drôle m’a jeté un regard
    Aigu, puis a passé, mauvais comme un poignard.
    Seigneur, rien n’a changé depuis que vous n’êtes plus Roi.
    Le mal s'est fait une béquille de votre croix.

    "Du monde entier au coeur du monde"  Blaise Cendrars *

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    Amitié, doux repos de l’âme,
    Crépuscule charmant des cœurs.
    Pourquoi, dans les yeux d’une femme,
    As-tu de plus tendres langueurs ?

    Ta nature est pourtant la même;
    Dans le cœur dont elle a fait don
    Ce n’est plus la femme qu’on aime,
    Et l’amour a perdu son nom.

    Mais comme en une pure glace
    Le rayon se colore mieux,
    Le sentiment qui le remplace
    Est plus visible en deux beaux yeux.

    Dans un timbre argentin de femme
    Il a de plus tendres accents :
    La chaste volupté de l’âme
    Devient presque un plaisir des sens.

    De l’homme la mâle tendresse
    Est le soutien d’un bras nerveux;
    Mais la vôtre est une caresse
    Qui frissonne dans les cheveux.

    Oh ! laissez-moi, vous que j’adore
    Des noms les plus doux tour à tour,
    Ô femmes ! me tromper encore
    Aux ressemblances de l’amour !

    Douce ou grave, tendre ou sévère,
    L’amitié fut mon premier bien !
    Quelque soit la main qui me serre,
    C’est un cœur qui répond au mien.

    Non, jamais ma main ne repousse
    Ce symbole d’un sentiment;
    Mais lorsque la main est plus douce,
    Je la serre plus tendrement.

    Alphonse de Lamartine *

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