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Par Cruella le 18 Juin 2023 à 09:20
J'allais au jardin d'amour
et vis ce que jamais je n'avais vu
une chapelle était bâtie au milieu
là où, sur le gazon, j'avais coutume de jouer
Les portes de cette chapelle étaient closes,
et au dessus était inscrit : "tu ne dois pas";
alors je revins au jardin d'amour
où croissaient jadis tant de suaves fleurs;
mais je le vis rempli de tombes
et de dalles où eussent dû être des fleurs
des prêtres en robes noires y passaient et repassaient,
attachant avec des ronces mes joies et mes désirs.Le Mariage du Ciel et de l'Enfer ; Chants d'Expérience de William Blake *
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Par Cruella le 8 Juin 2023 à 09:30
À la tombée du jour, penché à la fenêtre,
Et en sachant de biais qu’il y a des champs devant,
Je lis à m’en brûler les yeux
Le Livre de Cesário Verde.
Que j’ai pitié de lui ! C’était un campagnard
Qui marchait captif en liberté dans la ville.
Mais la façon dont il regardait les maisons,
Et la façon dont il considérait les rues,
Et la manière dont il se souciait des choses
Appartient à celui qui regarde les arbres,
Et à celui qui baisse les yeux sur la route où il va en marchant
Et marche en considérant les fleurs qu’il y a dans les champs…
C’est pourquoi il avait cette grande tristesse
Qu’il n’a toutefois jamais avouée,
Mais il marchait en ville ainsi qu’on marche à la campagne
Et triste autant qu’à presser des fleurs dans des livres
Et qu’à mettre des plantes en pots…
F. Pessoa
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Par Cruella le 4 Juin 2023 à 09:20
Vois-tu ? c’est un pays de songe ;
Le parc est plein de tourterelles,
Un escalier d’or pâle plonge
Parmi les fleurs surnaturelles.
Les éperviers, l’aile charmée,
S’endorment sur les tours fleuries ;
Des paons épars dans la ramée
Éparpillent des pierreries.
Joyeuses, sur les claires ondes
D’un golfe paisible et splendide,
Des galères aux voiles blondes
Appareillent pour l’Atlantide.
Et des lys ravis par les brises
Neigent dans la douce venelle,
Tandis qu’au loin des voix éprises
Proclament la joie éternelle.
Mais toi, ma sœur, blanche et plaintive,
Laissant choir la quenouille lasse,
Telle qu’une reine captive
Tu te penches sur la terrasse.
Et parmi les lourdes bannières
Qui claquent dans le vent sonore,
Tu lèves tes mains prisonnières
Comme pour cueillir de l’aurore.
Ephraïm Michaël
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Par Cruella le 15 Mai 2023 à 09:50
C’est mon premier domicile
Il était tout arrondi
Bien souvent je m’imagine
Ce que je pouvais bien être...
Les pieds sur ton cœur maman
Les genoux tout contre ton foie
Les mains crispées au canal
Qui aboutissait à ton ventre
Le dos tordu en spirale
Les oreilles pleines les yeux vides
Tout recroquevillé tendu
La tête presque hors de ton corps
Mon crâne à ton orifice
Je jouis de ta santé
De la chaleur de ton sang
Des étreintes de papa
Bien souvent un feu hybride
Electrisait mes ténèbres
Un choc au crâne me détendait
Et je ruais sur ton cœur
Le grand muscle de ton vagin
Se resserrait alors durement
Je me laissais douloureusement faire
Et tu m’inondais de ton sang
Mon front est encore bosselé
De ces bourrades de mon père
Pourquoi faut-il se laisser faire
Ainsi à moitié étranglé ?
Si j’avais pu ouvrir la bouche
Je t’aurais mordu
Si j’avais pu déjà parler
J’aurais dit :
Merde, je ne veux pas vivre.
Blaise Cendrars, "Le Ventre de ma Mère", dans Ça ira, n° 18, mai 1922.
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Par Cruella le 7 Mai 2023 à 09:40
Le chemin sur lequel je cours
Ne sera pas le même quand je ferai demi-tour
J'ai beau le suivre tout droit
Il me ramène à un autre endroit
Je tourne en rond mais le ciel change
Hier j'étais un enfant
Je suis un homme maintenant
Le monde est une drôle de chose
Et la rose parmi les roses
Ne ressemble pas à une autre rose.
Robert DESNOS - La Géométrie de Daniel (1939)
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