• Si les vérités cruelles, les fâcheuses découvertes, les secrets de la société, qui composent la science d’un homme du monde parvenu à l’âge de quarante ans, avaient été connues de ce même homme à l’âge de vingt, ou il fût tombé dans le désespoir, ou il se serait corrompu par lui-même, par projet; et cependant on voit un petit nombre d’hommes sages, parvenus à cet âge-là, instruits de toutes ces choses et très éclairés, n’être ni corrompus, ni malheureux. La prudence dirige leurs vertus à travers la corruption publique, et la force de leur caractère, jointe aux lumières d’un esprit étendu,les élève au-dessus du chagrin qu’inspire la perversité des hommes.

    Chamfort « Maximes et Pensées » *

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    Mon amour, mon ange, ma vie, tout est trouble et confusion dans mon âme ! Depuis une heure entière, j’attends, j’espère. Je ne puis me persuader que tu ne sois pas venu, que tu ne m’aies pas au moins écrit quelques lignes, après cette fatale soirée. Il est une heure... peut-être es-tu encore chez cette femme !... Quelle nuit je vais passer ! Ah ! mon Dieu ! je n’ai pas une pensée qui ne soit une douleur. Le ciel sait que le moindre doute sur ta tendresse me paraîtrait une horrible profanation ; mais n’est-ce donc rien que ces longues heures de désespoir ?

     

    "Lettre première" *

    Princesse de S...

     

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  • "Sais-tu comment je conçois Dieu, dit-il : comme un monstrueux organe créateur inconnu de nous, qui sème par l'espace des milliards de mondes, ainsi qu'un poisson unique pondrait des oeufs dans la mer. Il crée parce que c'est sa fonction de Dieu ; mais il est ignorant de ce qu'il fait, stupidement prolifique, inconscient des combinaisons de toutes sortes produites par ses germes éparpillés. La pensée humaine est un heureux petit accident des hasards de ses fécondations, un accident local, passager, imprévu, condamné à disparaître avec la terre, et à recommencer peut-être ici ou ailleurs, pareil ou différent, avec les nouvelles combinaisons des éternels recommencements. Nous lui devons, à ce petit accident, de l'intelligence, d'être très mal en ce monde qui n'est pas fait pour nous, qui n'avait pas été préparé pour recevoir, loger, nourrir et contenter des êtres pensants, et nous lui devons aussi d'avoir à lutter sans cesse, quand nous sommes vraiment des raffinés et des civilisés, contre ce qu'on appelle encore les desseins de la Providence."

    Guy de Maupassant  "L'inutile beauté" *

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  • Livre :
    Attention

    Et comme un livre ancien

    « C’est ici », disait l’un. L’autre disait : « C’est là :

    La place où je baisai vos doigts ?– Oui, la voilà.

    – Vos lèvres ? – Oui ! c’est elle ! » Et leur pèlerinage,

    De baisers en baisers sur la bouche ou les doigts,

    Continuait ainsi qu’un chemin de la croix.

    Ils débordaient tous deux d’allégresses passées,

    Élans que prend le cœur vers les bonheurs finis,

    En songeant que jadis, les tailles enlacées,

    Les yeux parlant au fond des yeux, les doigts unis,

    Muets, le sein troublé de fièvres inconnues,

    Ils avaient parcouru ces mêmes avenues !

    "La dernière escapade" (extrait) Guy de Maupassant

     

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  • L’exil est assurément la plus terrible des peines dont on peut frapper certains hommes. En dehors de ce sentiment idéal qu’on appelle « l’amour de la Patrie », il existe une singulière tendresse, une tendresse instinctive et presque sensuelle, pour le pays où nous sommes nés, qui nous a nourris de son air, de ses plantes et de ses fruits, de la chair de ses bêtes, du jus de ses vignes et de l’eau de ses sources.

    Notre corps est fait de sa substance ; nos organes sont accoutumés à sa température et à ses formes ; notre peau a le ton et la résistance que donne son soleil et qu’exige son climat. Nous sommes les fils de la terre plus encore que les fils de nos mères. L’homme n’est plus le même à vingt lieues de distance, parce que chaque parcelle de pays le fait et le veut différent.

    Exiler, c’est arracher l’être de son sol, rompre les racines de ses habitudes et de sa vie, pour les porter sur une terre où il ne s’acclimatera peut-être jamais. C’est ajouter une souffrance physique, incessante et cruelle, à la souffrance morale, non moins douloureuse.

    Guy de Maupassant *

    Exil:
    Attention
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