• VENDREDI 27 AVRIL 1956

     


    A l’âge où les jeunes gens font leur entrée dans le monde, moi j’ai fait mon entrée dans la solitude. Et par la solitude j’ai découvert la misère de l’homme. De l’homme sans Dieu, bien sûr ; mais, pour qui ne croit pas vraiment, tous les hommes sont des hommes sans Dieu. Je souffre en ce moment d’une lourde détresse sanglotante, faite de toutes les angoisses que je connais et redoute, de cette soirée inquiétante avec J.L. M. où l’homme au chapeau mou, au sourire figé, bizarre, passait et repassait comme l’image même de la mort, de cette autre soirée, hier, avec M.-H. si décevante, si pauvre, si légère, si pleine d’une fragile et féminine bonne volonté – de ce travail abrutissant de l’examen aussi.
    Tristesse et tendresse. La source de la tendresse est peut-être dans une tristesse cachée, on ne peut pas aimer vraiment sans connaître, accepter la misère, parce que l’amour est cela justement qui lutte contre la misère, contre l’ennui, contre le désespoir. Au début de l’amour véritable, il y a toujours l’échange de deux détresses, de deux grandes et angoissantes solitudes (c’est là le caractère de Nils).
    Les grandes âmes se tournent vers Dieu à force de mourir. De mourir et de renaître, et de mourir encore. Elles savent bien vite qu’elles ne pourront plus supporter ces morts toujours renaissantes, qu’elles ne pourront plus mourir seules une fois de plus. L’amour de Dieu vient de l’expérience de la mort, cette mort intérieure pour la rémission de nos propres péchés, cette souffrance, ce déchirement désespéré – oui, ce qui nous porte à Dieu n’est pas seulement une bouffée de vie surnaturelle, une grande plénitude, c’est aussi, c’est surtout la connaissance de notre misère, cette tristesse tendre, cet effroi devant la vanité du monde, cette inaptitude à la mort.
    A part l’influence de l’éducation, des rites familiaux, qui explique pourquoi tant de gens médiocres et pauvres croient – ou plutôt croient qu’ils croient –, la foi véritable a cette même naturelle simplicité que l’amour, que le refus de la mort.

    « Boris Blank - Elements Of Life"Les gens deviennent différents après l'injection. Les effets neurologiques sont très étendus. »
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