• La musique sort des fenêtres
    Dissolvez-vous moelles de nos os
    La ville entière se renverse
    Dans un spasme délicieux

    Dans la ville noire le bruit
    Que font quelles orgues obscures
    À coups de manivelle dure
    Gagne, gagne à chaque cahot

    Ah la ville en a plein les os
    De cette liqueur sans pareille
    Qui l’inonde par les oreilles
    Et la perce de ses cristaux

    Un silence réside au fond
    De la mélodie enivrante
    Que toute la ville en attente
    Puise au cœur de l’orgue profond

    Et l’attente se réitère
    Dans l’espace de chaque ressaut
    Que la manivelle au cœur faux
    Imprime à la musique claire

    Quelle Arabie ou quelle Afrique
    Tient le refrain que nous cherchons
    Brise les glaces de nos fronts
    Ô musique, blessante musique.

    A. Artaud

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    Au poète

    (fragment)

    Pour Boris Pasternak

    Dans un passé encore récent,
    Le soleil réchauffant les pierres,
    La terre brûlait mes pieds
    Nus tout couverts de poussière.

     

    Et je gémissais sous les tenailles du froid
    Qui m’avaient arraché ongles et chair,
    Je brisais mes larmes avec la main,
    Non, ce n’était pas en rêve.

     

    Là-bas dans des comparaisons banales
    Je cherchais la raison des coups,
    Là-bas le jour même était supplice
    Et arrangement avec l’enfer.

     

    J’écrasais sous mes mains terrifiées
    Mes tempes blanchies et en sueur,
    Et ma chemise salée
    Se cassait fort bien en morceaux.

     

    Je mangeais comme une bête, rugissant après la nourriture,
    Ce m’était merveille des merveilles
    Qu’une simple feuille de papier à écrire
    Tombée des cieux dans notre triste forêt.

     

    Je buvais comme une bête, lapant l’eau,
    Je trempais mes lèvres enflées,
    Ne vivais au mois ni à l’année
    Et prenais mon parti des heures.

     

    Chaque soir dans la surprise
    De me savoir vivant,
    Je me disais des poèmes,
    J’entendais à nouveau ta voix.
     
    Je les chuchotais comme des prières,
    Les vénérais comme une eau vivante
    Et dans cette lutte gardais leur image
    Et leur fil conducteur.
     
    Ils étaient ce lien unique
    Avec l’autre vie, là-bas
    Où le monde nous étouffe sous son ordure,
    Où la mort se déplace sur nos talons...
     
    Varlam Chalamov *

     

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    Je suis un évadé.
    Du jour de ma naissance
    En moi-même reclus,
    Je me suis fait transfuge.

    Puisqu’il faut qu’on se lasse
    D’être en un même lieu,
    Pourquoi ne se lasser
    D’être à soi toujours égal ?

    De moi mon âme est en quête
    Mais je bats la campagne,
    Fasse le ciel qu’elle
    Ne me trouve jamais.

    N’être qu’un est une geôle ;
    Être moi, c’est n’être point.
    Dans la fuite je vivrai –
    Pourtant bel et bien je vis.

    Fernando Pessoa

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    Bleus de la profondeur,
    Nous n'en finirons pas
    d'interroger votre mystère.

    L'illimité n'étant
    Point à notre portée,
    il nous reste à creuser, ô bleus

    Du ciel et de la mer,
    Votre mystère qui n'est autre
    que nos propres bleus à l'âme.

    François Cheng

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