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Par Cruella le 13 Avril 2024 à 09:20
La musique sort des fenêtres
Dissolvez-vous moelles de nos os
La ville entière se renverse
Dans un spasme délicieux
Dans la ville noire le bruit
Que font quelles orgues obscures
À coups de manivelle dure
Gagne, gagne à chaque cahot
Ah la ville en a plein les os
De cette liqueur sans pareille
Qui l’inonde par les oreilles
Et la perce de ses cristaux
Un silence réside au fond
De la mélodie enivrante
Que toute la ville en attente
Puise au cœur de l’orgue profond
Et l’attente se réitère
Dans l’espace de chaque ressaut
Que la manivelle au cœur faux
Imprime à la musique claire
Quelle Arabie ou quelle Afrique
Tient le refrain que nous cherchons
Brise les glaces de nos fronts
Ô musique, blessante musique.
A. Artaud
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Par Cruella le 9 Avril 2024 à 09:50
Au poète
(fragment)
Pour Boris Pasternak
Dans un passé encore récent,Le soleil réchauffant les pierres,La terre brûlait mes piedsNus tout couverts de poussière.Et je gémissais sous les tenailles du froidQui m’avaient arraché ongles et chair,Je brisais mes larmes avec la main,Non, ce n’était pas en rêve.Là-bas dans des comparaisons banalesJe cherchais la raison des coups,Là-bas le jour même était suppliceEt arrangement avec l’enfer.J’écrasais sous mes mains terrifiéesMes tempes blanchies et en sueur,Et ma chemise saléeSe cassait fort bien en morceaux.Je mangeais comme une bête, rugissant après la nourriture,Ce m’était merveille des merveillesQu’une simple feuille de papier à écrireTombée des cieux dans notre triste forêt.Je buvais comme une bête, lapant l’eau,Je trempais mes lèvres enflées,Ne vivais au mois ni à l’annéeEt prenais mon parti des heures.Chaque soir dans la surpriseDe me savoir vivant,Je me disais des poèmes,J’entendais à nouveau ta voix.Je les chuchotais comme des prières,Les vénérais comme une eau vivanteEt dans cette lutte gardais leur imageEt leur fil conducteur.Ils étaient ce lien uniqueAvec l’autre vie, là-basOù le monde nous étouffe sous son ordure,Où la mort se déplace sur nos talons...Varlam Chalamov *
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Par Cruella le 26 Mars 2024 à 10:00
Je suis un évadé.
Du jour de ma naissance
En moi-même reclus,
Je me suis fait transfuge.
Puisqu’il faut qu’on se lasse
D’être en un même lieu,
Pourquoi ne se lasser
D’être à soi toujours égal ?
De moi mon âme est en quête
Mais je bats la campagne,
Fasse le ciel qu’elle
Ne me trouve jamais.
N’être qu’un est une geôle ;
Être moi, c’est n’être point.
Dans la fuite je vivrai –
Pourtant bel et bien je vis.Fernando Pessoa
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Par Cruella le 22 Mars 2024 à 09:10
Bleus de la profondeur,
Nous n'en finirons pas
d'interroger votre mystère.
L'illimité n'étant
Point à notre portée,
il nous reste à creuser, ô bleus
Du ciel et de la mer,
Votre mystère qui n'est autre
que nos propres bleus à l'âme.François Cheng
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