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    “Le regard chez une jeune femme est un interprète toujours charmant qui se charge de dire avec complaisance ce que la bouche n'ose prononcer.”

    Proverbe chinois *

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  • Cruauté des Pierreries

    En vérité, Madonna Gemma, vous êtes la bien nommée. Vous êtes la sœur éblouissante et insensible des pierreries… J’aime ces aigues-marines qui ont la nuance de vos yeux. Les aigues-marines sont les plus belles de toutes les gemmes. Elles ont la froide limpidité des vagues hivernales.

    Comme vous aimez les joyaux qui vous ornent, ô ma Dame très belle ! Leur vie dormante se mêle à votre souffle et aux battements calmes de vos artères. Ah ! ces perles qui épousent votre cou voluptueux et cruel ! Ah ! la profondeur de ces émeraudes et le frisson de ces opales !

    Vous rappelez-vous pourquoi je m’abîmai jadis pendant de si longs mois parmi les parchemins et les creusets ? Je voulais découvrir pour vous la Pierre Philosophale. Je voulais de l’or, de l’or, de l’or, un ruissellement d’or dans votre giron. Votre corps aurait ployé sous le fardeau des parures. La splendeur de vos colliers et de vos anneaux aurait humilié la Dogaresse. La proue de votre gondole aurait été un aveuglement de rubis, laissant sur l’eau des reflets de soleil automnal… … Comme vous étincelez dans l’ombre !… Détournez de moi vos yeux de béryls. Votre âme implacable sourit en vos regards, Madonna…

    Mes nuits laborieuses d’alchimiste ont fait naître cette humeur étrange qui vous plaît et qui vous déplaît en moi. Ah ! ces nuits laborieuses ! Je sentais vaguement quelqu’un épier mes secrètes études. Vous le savez comme moi, mieux que moi, peut-être. Quelqu’un dont les invisibles prunelles me guettaient m’a dénoncé à l’Inquisition. Je fus accusé de magie noire : par qui ? Vous le savez peut-être, Madonna. Vous savez peut-être à la suite de quelle dénonciation je fus encloîtré dans la geôle ténébreuse, il y a sept ans.

    Comment peindrais-je les horreurs de ce cachot sans aurore ?… Mais mon plus rouge supplice était de voir interrompre mes patientes études au moment où j’allais découvrir la Pierre Philosophale. Quelques heures de plus, et j’aurais régné sur tout l’or et sur toutes les gemmes de l’univers.

    Longtemps je songeai avec la fixité intolérable des damnés. Vous m’apparaissiez en un éclair de pierreries. Je vous aimais d’une haine inexprimable. Vous me montriez du geste la porte de fer, les barreaux de la fenêtre et les verrous. Pendant la nuit, mes supplices étaient plus démoniaques encore. La Fièvre et la Démence m’emportaient, comme un sirocco… Je sombrais dans un océan de ténèbres.

    Et, afin de vous rejoindre, — ne tremblez point ainsi, ma Maîtresse éblouissante, — afin de vous retrouver et de vous torturer savamment avec d’infinies caresses de cruauté, je voulus m’échapper de la geôle ténébreuse.

    Renée Vivien "La Dame à la louve" (1904)

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    Ce qu'il m'aura fallu de temps pour tout comprendre

    Je vois souvent mon ignorance en d'autres yeux

    Je reconnais ma nuit je reconnais ma cendre

    Ce qu'à la fin j'ai su comment le faire entendre

    Comment ce que je sais le dire de mon mieux.

     

    Le Roman inachevé (1956), Louis Aragon

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    La louve

     

    "Certains jours, je me sens plus louve que femme
    et j'apprends encore à ne pas m'excuser pour mon côté sauvage..."
     
    Nikita Gill *

     

     

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    Mes yeux sont lentement remontés le long d'une silhouette diaphane, enveloppée dans un sari de soie. Ses cheveux dessinaient des arabesques blondes se mêlant aux motifs sombres du batik. On aurait dit une seconde peau, plus troublante encore.
    Quelque chose s'est délicatement ouvert en moi, comme une de ces fleurs nocturnes qui s'offrent au ballet pollinisateur des chauves-souris.
    J'ai pénétré dans la pièce obscure comme sous une voûte sacrée. Je ne savais déjà plus ce que je faisais vraiment.
    Nos regards se sont vrillés, à travers l'obscurité. Ses yeux ressemblaient à deux cristaux de gel qui luisaient dans le noir. Une petite voix, une minuscule voix, perdue dans la tempête, me criait que je refaisais la même connerie que six ans auparavant, et que ce n'était pas vraiment le moment approprié, mais un évènement plus puissant encore que mon orage cérébral l'a définitivement fait taire.
    Elle a chuchoté mon nom, dans un souffle qui attendait depuis des siècles, cette vérité me frappa de plein fouet.
    Sa main s'est enroulée autour de mon bras et je me suis retrouvé soudé à elle.

    "Les racines du mal"  Maurice G. Dantec

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