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    Il voit le ciel se déflagrer, se rompre comme une digue et des torrents de lave noire, de météorites rutilants, d’éclairs blanc soufré jaillir d’entre les brèches. L’orchestre fou joue du feu à outrance.

    Il voit des humains et des bêtes se transmuer en torches vives, d’autres se fondre à l’asphalte liquéfié qui clapote dans les rues éventrées, d’autres encore être déchiquetés.

    Il voit des arbres s’élancer à l’oblique, énormes javelots échevelés de flammes qui se fichent dans les façades des maisons tandis que giclent les vitres, volent les cheminées, les tuiles, les poutres.

    Il voit l’eau s’embraser, dans le port, les canaux, les rivières, les bassins, les caniveaux. Partout l’eau prend feu et s’évapore en chuintant ; elle s’enflamme jusque dans les larmes sur les visages des égarés, des mourants.

    Il sent l’âcre pestilence des chairs brûlées, la fadeur nauséeuse des chairs bouillies, la puanteur du sang et des viscères. Les pierres, les pavés, les charpentes ne sont plus que sable noir, gravier, bouts de charbon.

    Il voit des torsades d’un jaune cru, des coulées vermeilles, des éclaboussures d’un orange aveuglant tomber du ciel, lacérer la nuit. Une orgie de couleurs à la fois visqueuses et limpides. De gigantesques crachats d’or et d’écarlate pour couronner la ville défunte.

    Magnus - Sylvie Germain

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    Les deux "o" étaient devenus des yeux, de gigantesques yeux humains qui me regardaient avec mépris et impatience. Ils continuaient à me fixer, et au bout d'un moment je fus convaincu que c'était le regard de Dieu.

    "Moon Palace" Paul Auster

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    Je voulais détourner son regard à jamais. je voulais être seul au monde à ne pas avoir vu du tout. cette main aurait pu ne pas être là, après tout : mais moi non plus, et avec moi disparaître le monde. ce cadeau. l'image de ta mort.

    Elle avait aimé la vie passionnément de loin. sans l’impression d'y être ni d'en faire partie. malheureuse, elle photographiait des pelouses tranquilles et du bonheur familial. extase paradisiaque, elle photographiait la mort et sa nostalgie.

    Pour une fois adéquation exacte d la mort même à la mort rêvée, la mort vécue, la mort même même. identique à elle même même.

    Gouffre pur de l'amour.

    S'endormir comme tout le monde. ce que je veux.

    Je t'aime jusque là.

    Évidemment ce n'était pas un cadeau ordinaire. celui de me livrer à cinq heure du matin, un vendredi, l'image de ta mort.

    Pas une photographie.

    La mort même même. identique à elle même même.

    "Quelque chose noir" Jacques Roubaud

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    Vous êtes-vous heurté violemment la tête, aujourd'hui ou hier, Non, docteur, Quel âge avez-vous, Trente-huit ans, Bon, nous allons examiner vos yeux. L'aveugle les écarquilla tout grands, comme pour faciliter l'examen, mais le médecin le prit par le bras et l'installa derrière un appareil dans lequel quelqu'un doué d'un peu d'imagination eût pu voir un confessionnal d'un nouveau modèle, où les yeux eussent remplacé les paroles et où le confesseur eût regardé directement dans l'âme du pécheur, Appuyez le menton ici, recommanda-t-il, et gardez les yeux ouverts, ne bougez pas.

    "L'aveuglement"  José Saramago

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    Deux beaux yeux illuminent ma vie ! Je vois tournés vers moi deux yeux tendres et clairs. Deux yeux plein de joie et d'amour m'attirent d'une promesse que je ne puis démêler.

    Paul Claudel

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