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    Bentley prétend que, Milton étant aveugle, les éditeurs ont introduit dans le Paradis perdu des interpolations qu’il n’a pas connues : c’est peut-être aller loin ; mais il est certain que la cécité du chantre d’Éden a pu nuire à la correction de son ouvrage. Le poète composait la nuit ; quand il avait fait quelques vers, il sonnait ; sa fille ou sa femme descendait ; il dictait : ce premier jet, qu’il oubliait nécessairement bientôt après, restait à peu près tel qu’il était sorti de son génie. Le poème fut ainsi conduit à sa fin par inspirations et par dictées ; l’auteur ne put en revoir l’ensemble ni sur le manuscrit ni sur les épreuves. Or il y a des négligences, des répétitions de mots, des cacophonies qu’on n’aperçoit, et pour ainsi dire, qu’on n’entend qu’avec l’œil, en parcourant les épreuves. Milton isolé, sans assistance, sans secours, presque sans amis, était obligé de faire tous les changements dans son esprit, et de relire son poème d’un bout à l’autre dans sa mémoire. Quel prodigieux effort de souvenir ! et combien de fautes ont dû lui échapper !

     

    "Le paradis perdu"  John Milton
    [Remarques, Chateaubriand]

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    C'est une femme de cœur. Elle a de la branche. Dans un visage d'un bel ovale, des yeux immense que voile, je ne dirai pas une énigme ou de la tristesse, mais un mystérieux sourire, un peu battu et par moments presque effacé. Je suppose qu'elle a trop vécu et qu'elle en a de la répulsion. Il ne sied pas à une noble de faire deviner un besoin. Je la devine insatisfaite. Qui va contre ses désirs va à sa perte.

     

    Emmène-moi au bout du monde - Blaise Cendrars *

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    "Je raccrochai, me tournai vers Laura et tous ces mots qui ne savent pas parler devaient se presser dans mon regard. Il y avait longtemps que je n’avais été plus heureux qu’en ce silence. Lorsque j’allai m’agenouiller auprès de toi et que tu as appuyé ton front contre mon épaule, lorsque je sentis tes bras autour de mon cou, les mots d’amour que je murmurais retrouvaient leur enfance, comme s’ils venaient de naître et que rien encore ne leur était arrivé. Il y avait dans la chambre assez d’obscurité pour qu’il n’y eût plus que le goût de tes lèvres. Lorsque tu bouges un peu et que ta tête vient se poser sur mon épaule à la place du violon, chaque mouvement de ton corps creuse mes paumes de vide et plus mes mains te tiennent et plus elles te cherchent."

     

    "Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable"   Romain Gary

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    Le bonheur survient quand, dans la profondeur des yeux, s'ouvrent des "cavernes éclairées" qui illuminent jusqu'aux tristes wagons du métro. Et la littérature est une "caverne éclairée" par une lumière venue à la fois de l'extérieur et de l'intérieur. Comme le dit un très beau passage de Mrs Dalloway, Virginia Woolf avait appris l'art le plus ardu. Elle tenait l'expérience, toute son expérience, même la plus terrible et la plus désolée, entre ses mains; elle la possédait; et elle "la tournait, avec une lente rotation, du côté de la lumière"

    Portraits de femmes  -  Pietro Citati

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    Combien un regard est fugitif et passager ! Cependant l'homme, au milieu de l'immensité des mondes, s'attache souvent au plus petit, au globe qu'une paupière recouvre, au regard si vite effacé et qui à peine a existé.
     

    Les pensées et réflexions - Jean-Paul Richter *

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