• VII - BÉATRICE ENCULÉE (3)

    Je ne déteste pas les femmes !
     Je suis le contraire même de la pédérastie. Je m’étonne même qu’un être aussi féminin que moi n’ait jamais éprouvé ne serait-ce qu’une seule fois un désir pédérastique. Fasciné comme la plupart des hommes par les lesbiennes, terriblement excité de voir deux ou trois corps de femmes se lécher de partout, s’enfoncer un doigt dans l’anus, se branler de l’autre, se caresser les seins, se grignoter les aréoles, se tremper de poisse puante dans la raie même, se patiner salivairement, jouir de la tête les yeux fermés, se prendre par derrière et se coucher, se rouler morbidement enlacées, se frotter les lèvres, se pommader le « boy on the boat » ! Quels etc. sais-je !…
     Comme tout le monde je bande aux gouines, mais je n’aime pas trop la philosophie de Lesbos, celle qui joue complètement sur l’ambiguïté, avec sa tristesse affichée, essayant de mettre toutes les autres filles dans le même pétrin qu’elles : au lieu d’être touchée par la gaieté des autres, elle veut que les autres soient touchées, tachées par sa tristesse. Elle est souvent malsaine : ce n’est pas de la féminité débordée qu’elle a mais de la virilité mal placée… Ô sordide lesbianisme des mauvaises gouines qui vont vers les femmes par complexe finalement, pas du tout par amour de la femme, mais par haine des hommes. Il y a des lesbiennes qui abhorrent la pénétration, d’autres se tâtent : ma préférence va aux secondes. La vraie belle lesbienne est une lesbienne d’occasion. Pas de préjugé, pas de « point précis » qui fait ou ne fait pas jouir, comme ces pauvres conasses qui ne marchent qu’à un geste bien précis que tout le monde (un Noir, un chien, un play-boy, un bossu) peut faire, il suffit de le savoir : elles se foutent pas mal de l’ambiance, de la magie du moment, non, technique avant tout : là, là ! Là mon Point, mon « centre » ! Si tu ne me caresses pas sur ce millimètre, si tu ne me dis pas : « Sale salope je t’enfonce comme une reine ! », si tu ne me gobes pas les seins, si tu ne me mets pas un doigt « pendant », si tu ne me mords pas les lobes, si tu ne me prends par par-derrière, par-devant, par-dessous, avec la lumière, sans la lumière, enrhumée, en règles, en déféquant, en mangeant un rosbif, si tu ne me fais pas mes trucs habituels de prestidigitation orgasmique, je ne jouis PAS ! Pauvres coincées ! La femme libre ne sait pas comment elle va jouir. La perversion est l’argot de l’amour, le piment. Tout dans l’irrégularité, la coquetterie de climat, passer entre les moods… Rien de systématique, jamais. De passage, de passage toujours, en vice comme en tout. Aucune profession de foi. « Ça dépend des fois », voilà la seule profession de foi.
     De toutes les combinaisons dépravées auxquelles le vent est aujourd’hui, c’est encore un homme avec une femme qui est la plus riche et la plus porno. Pour ma part, je ne peux pas m’en passer, m’en épuiser l’idée. S’il n’y avait pas le sexe qui m’appelle, ma vie serait idéale : je serais quelque chose comme Beato Angelico qui disait souvent que pour s’adonner à son art, il fallait une vie calme et sans soucis.
     Hélas ! c’est tout le contraire ! Les tremblements qui me secouent à la plus petite allusion féminine, les séismes qui m’ébranlent tout le cerveau à la moindre fissure de désir qui se montre, n’ont d’égaux que ceux qui me suivent tout au long de ma descente dans l’enfer paradisiaque de la rue Saint-Denis, et cela depuis toujours, me confirmant mon goût instinctif et incorrigible pour les putes effrontées, suintant Rimmel, scro-fagneuses à souhait, fondées sur pitoyable beauté, dont les sales chibres redressent les flancs ! Oh oui ! Ce sera grand miracle si je guéris de cette fascination pour le triste règne des poufiasses antichics ! Selon les périodes il m’arrivait de descendre et de remonter la Rue dix fois de suite jusqu’à connaître par cœur le visage et les formes de ces putains, de m’attarder parmi les plus ignobles clients aux yeux luisants, immobilisées par le désir, ou scrutant du scrotum l’état de la truie. Je comptais celles qui s’étaient fait prendre en chemin, je les retrouvais en redescendant : on se souriait, je devais paraître bien suspect, au milieu des paquets d’Arabes dégueulasses plantés devant les portes cochères, moi dans ma flanelle, impeccable et bavant comme eux, déporté anachronique !… Mais la Rue par excellence, la 52e rue du Foutre-Parisien, c’est la rue Blondel, la petite, ma préférée : c’est là où il se passe le plus de choses dans un minimum de temps. Il se tire ici plus de coups en dix minutes qu’à Lourdes en quinze ans. Je passais et repassais indéfiniment devant les Reines jusqu’à ce que mes jambes flagadageolent pour le seul plaisir extatique de me faire aborder par l’une d’elles, d’aller plonger mes lunettes dans un décolleté profond comme une illusion. Je dérobais des regards dans les bars sinistres entrouverts, dans les ténèbres, aurevillyens soupiraux de l’Enfer !
    … Petites lumières, jambes figées dans le gris des odeurs fourrées, poses hiératiques, buées, pluie fine, absence de marque de culotte sous le nylon, gros, très gros cul pâteux, viandes par terre, chaussures qui applaudissent… C’est le Chemin de Croix je vous dis ! Gaule-gotha sans plaisanter ! Les « Stations », les crachats, les crouilles, le vinaigre, tout y est ! Une Véronique tous les trois mètres, saint-suaire-kleenex, et cette immense bite en bois que vous transportez, qui vous écrase jusqu’au mont du Calvaire !…
     Ô combien de fois ai-je arpenté ainsi cette longue artère du sang parfait, combien ai-je bien assisté à toutes les danses, avec les négresses qui ne racolent jamais, les jeunes éteintes, les bovines, les ovines, les porcines, les nitroglycérines ! Les ballonnées, celles qui ont beaucoup vécu, pas assez, les salopes fatiguées, les mépriseuses, les attachées de détresse, un vrai décor… Un jour, assez jeune, je n’y tenais plus, il a fallu que je goûte : une brune nue sous sa robe rose avec une peau d’éléphant… Quelle déception ! Vous montez l’escalier ça va encore, arrivé en haut, ça commence à flancher, dans la pièce vous êtes foutu, elle vous lave la pine, c’est fini. Rien de plus froid : on aurait dit une infirmière : elle m’a couché sur la serviette du matelat, elle m’a branlé, la tête ailleurs, comme une mayonnaise, avec interdiction de lui toucher les nibards… Très fonctionnaire, garde-malade, cuisinière presque. Une fois stable, elle vous exige une capote et vous introduit elle-même dans un vagin qui semble ne pas lui appartenir, sec et acide, immobile… Vous ahanez jusqu’à ce que sperme s’ensuive. C’est bien pitoyable… Quinze sacs pour me faire laver le bout ! C’est exagéré !
     Pourtant, je suis comme Michel Simon un inconditionnel des pétasses. Ce sont mes fées. Tout ce qui peut rabaisser l’homme me plaît. Tout ce qui peut faire trembler d’un geste le plus grand crâneur m’enchante. J’aime chez les putes ce qu’elles doivent penser des hommes. Toutes ces féministes pourries, sans avoir souffert le millième de ce qu’ont pu souffrir les putes, ont dans la tête une sournoise rancune absolument pas justifiée près du chagrin et de la pitié cosmique qui peuvent pousser une femme à faire la pute. La Sainte Pute sait au moins, elle, que la femme est l’impératrice, la Dieu du monde, que tout dépend de son petit trou génial, que l’univers entier passe par cette brèche : elles n’ont pas l’hypocrite culot de le taire, elles en montrent au contraire la supériorité, la souveraineté que celles qui crachent sur les hommes pour des raisons bassement intellectuelles, politiques ou sociales, ne pourront jamais, du haut de leurs complexes, concevoir. Comment leur préférer aux putes toutes ces flopées de connes gauchistes refoulées, véritables victimes qui ne leur arrivent pas à la grosse cheville et qui ont dans les yeux le délavé de leur jeans… Pas de mystère, on sait pourquoi elles font de la politique !…
    Tout le monde ne peut être Billie Holiday. Les femmes ne sont pas douées pour créer autre chose qu’un œuf. Il n’y a pas d’œuvre de femme. Pas de Picassette, Velâzquèzienne, Mozarte ou Parkerine… Tant mieux pour elles ! Qu’en ont-elles à chier ? Ce serait flirter avec l’artisanat… Quoi qu’il fasse, l’artiste crée des femmes : tout chef-d’œuvre est une femme. A-t-on déjà vu un chef-d’œuvre chercher à se travailler lui-même ? Le Penseur de Rodin se dégourdir les jambes ? Une femme artiste, c’est Pinocchio !…
     Sale goût d’ouvriérisme, c’est tout. Une femme ne sait pas faire une œuvre. Mettre en scène une pièce, tourner un film, peindre une toile, jouer de la basse… Personne n’ose leur dire ! Les glands tremblent, c’est bien normal. Et puis, dans une ère désertique de nullités, dans une telle brousse sinistre aux buissons flétris, l’Art ne va pas faire le difficile : il prend tout ce qui passe sous la dent : conneries mâles ou conneries femelles, c’est la même merde de toute façon : navet blanc, blanc navet. Un poème de femme par exemple ! Quoi de plus anachronique comme péché artistique ? C’est là qu’on voit l’éternelle supériorité de la femme : dans son impuissance à créer : elle n’y arrive pas, elle ne saisit pas l’inutilité cosmique du truc. Les femmes n’ont pas la « continuité de couilles », je dirais, pour lutter avec un moyen d’expression. Aucun instrument ne leur suffit, et surtout : elles n’ont rien à décharger. C’est l’Accueil des choses. Pas la défécation sordide d’une œuvre bien sale qui fume… Monstresses que celles qui veulent absolument caguer. Une Femme ne chie pas. A-t-on déjà vu une femme faire caca ?…

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