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    L'oeil critique:
    Attention

    Il y a deux manières d'observer les êtres. L'une consiste à les regarder d'un oeil critique, peut-être juste, mais sévère ; c'est l'attitude des indifférents. L'autre est mêlée de tendresse et d'humour ; elle voit, elle aussi, les fautes, mais elle en sourit et ne les corrige qu'avec douceur et gaieté. C'est l'attitude de l'affection. 

    André Maurois *

     

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  • Escargot:
    Attention
     
    Je vous vois venir : vous allez encore dire que j'exagère, que je me fais plaisir mais que je surinterprète. Me faire plaisir, je ne demande pas mieux, mais, quant à surinterpréter, c'est vous qui exagérez. C'est vrai, j'y vois beaucoup de choses dans cet escargot ; mais après tout, si le peintre l'a peint de cette façon, c'est bien pour qu'on le voie et qu'on se demande ce qu'il vient faire là. Vous trouvez ça normal, vous ? Dans le somptueux palais de Marie, au moment (ô combien sacré) de l'Annonciation, un gros escargot qui chemine, yeux bien tendus, de l'Ange vers la Vierge, vous n'y trouvez rien à redire ? Et au tout premier plain, pour un peu, on verrait la piste que sa bave trace derrière lui ! Dans le palais de Marie, si propre, si pure, la Vierge immaculée, ce baveux fait plutôt désordre et, en plus, il est tout sauf discret. Loin de le cacher, le peintre l'a mis sous nos yeux, immanquable. On finit par ne plus voir que lui, par ne plus penser qu'à lui, qu'à ça : qu'est-ce qu'il fait là ?

    Daniel Arasse "On n'y voit rien" *

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  • Sans en avoir conscience, nous sommes nous-mêmes le divertissement des autres, comme ils sont le nôtre. Regarder passer la rue reste un de mes loisirs favoris. Je m'y reconnais. J'y note mes propres ridicules, mes insuffisances, mes prétentions stupides, mes défauts d'apparence, mon inélégance, ma balourdise. Ces gens, dont je souris, témoignent seulement de ce que je suis.

    Petit éloge de la vie de tous les jours

    Franz Bartelt *

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  • Partout où le regard se pose, Paris cache un mystère. Les gens marchent le visage couvert d'un masque, les portails ne s'ouvrent pas, les ruelles nous mènes on ne sait où, des murs se dressent devant nos pas, quelqu'un va émerger des souterrains. Tout nous attire plus loin: toute apparence s'ouvre sur un abîme. Nous avons parfois l'impression que Paris est un océan: où que nous jetions la sonde, nous ne toucherons jamais le fond; il y aura toujours un lieu vierge, un antre inconnu, des fleurs, des perles, des monstres, une chose quelconque oubliée des scaphandriers. Balzac cherche à percer ce mystère: il dilate son œil à l'extrême; vorace, acéré, celui-ci vibre, scintille, possède les objets qu'il rencontre; son regard se tend jusqu'à recueillir la force visionnaire qui habite dans chaque recoin de la terre. Avec cet œil insatiable, Balzac se promène à travers la ville comme s'il n'était qu'un voyageur distrait, et pénètre de plus en plus profondément dans le corps gigantesque qui gît à ses pieds. Il plonge des yeux écarquillés dans les fissures restées ouvertes, les vides qui laissent entrevoir au moins une ombre du grand mystère. Il partage les passions de l'espion, les passions du voleur, les passions du policier, celles du juge, du joueur, du chasseur: toutes les passions du romancier moderne.

    Pietro Citati *

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  • Faire des yeux de merlin frit - dit le Larousse dans son édition de 1898:

    "Lever les yeux au ciel, d'une manière ridicule, de sorte qu’on n’en voit plus que le blanc."

    C'est là une gestuelle de cinéma muet, qui, accompagnée des soupirs énamourés de rigueur, n'a guère plus cours chez les amants... L'expression est pourtant demeurée en usage depuis le dernier quart du XIXe où elle est apparue, reprenant une notion d’œil blanc qui était jusque-là l'apanage de la carpe.

    C'est en effet la carpe, poisson d'eau douce autrefois fort commun sur toutes les tables, qui a fourni le prototype de cette image culinaire de la pâmoison amoureuse, réelle ou rêvée.

    Un jour malgré ses regards sévères

    L'ayant pris' par les sentiments,

    Pour une andouille et trois p'tits verres

    J' devins le plus heureux des amants.

    J'la vis quand elle fut en ribotte

    Se pâmer comme une carpe au bleu,

    Ah! jarnidieu,

    Ah! ventrebleu,

    N'y a pas d'princesse qui la dégote

    La Javotte

    Du Cadran bleu.

    (Emile Debraux, Javotte, 1818)

    Je suis allé pêcher dans une œuvre dormante, les Œuvres badines du compte Caylus, où peu de gens laissent traîner leurs filets, la constatation irréfutable que la métaphore des yeux de poisson frit était déjà bien établie dès la première moitié du XVIIIe siècle: "Un jour, c'était pendant le grand chaud de l'été, s'étant retiré dans une grotte qui était au bord de ce canal, il vit une belle grande carpe, mais grande comme une personne; ce qu'on remarquait davantage, c'était ses yeux; jamais on n'en avait vu de si tendres. C'est de là qu'on a dit des amants qui regardent tendrement leur belle: qu'il font des yeux de carpe frite." (Caylus, Recueil de ces Messieurs, 1745).

    Claude Duneton *

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