• Humain?:
    Attention

     

    Le diable aime les histoires, mais les histoires qui se terminent vraiment mal, ou plutôt les histoires qui commencent au plus mal. Les histoires dont le point préliminaire est la destruction de toute humanité dans l'humain.

    Maurice G. Dantec *

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  • Libéré ! Ce mot me fait réfléchir longuement, pendant cette nuit où je me suis allongé, pour la dernière fois, dans un lit militaire. Je compte. Collège, caserne. Voilà quatorze ans que je suis enfermé. Quatorze ans ! Oui, la caserne continue le collège… Et les deux, où l’initiative de l’être est brisée sous la barre de fer des règlements, où la vengeance brutale s’exerce et devient juste dès qu’on l’appelle punition — les deux sont la prison. — Quatorze années d’internement, d’affliction, de servitude — pour rien…

    Mais qu’est-ce qu’il faudra que je fasse, à présent que je suis libéré, pour qu’on m’incarcère pendant aussi longtemps ? Quelle multitude de délits, quelle foule de crimes me faudra-t-il commettre ?…

    Quatorze ans ! Mais ça paye un assassinat bien fait ! Et combien d’incendies, et quel nombre de meurtres, et quel tas de vols, et quelle masse d’escroqueries !… La prison ? J’y suis habitué. Ça me serait bien égal, maintenant, d’en risquer un peu, pour quelque chose. La fabrication des abat-jour ne doit pas être plus agaçante que la confection des thèmes grecs ; et j’aurais mieux aimé tresser des chaussons de lisières que de monter la garde… On ne me mettrait point en prison sans motifs, d’abord. Ensuite, j’aurais au moins, cette fois-là, quelqu’un pour me défendre ; un avocat, qui dirait que je ne suis pas coupable, ou très peu ; que j’ai cédé à des entraînements ; et cætera ; qui apitoierait les juges et m’obtiendrait le minimum, à défaut d’un acquittement. — Et qui sait si je serais pris ?

    Georges Darien "Le voleur"

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  • Qu’est-ce que je connaîtrai de l’existence, de cette existence qu’il me faudra conquérir, seul, jour par jour et pied à pied ? Ah ! si j’étais encore riche, seulement ! Je suis épouvanté de mon isolement et de mon impuissance…

    On élève mon esprit, cependant. Je me laisse faire. Je porte le lourd spondée à bras tendu et je fais cascader le dactyle dansant. Je m’imprègne des grandes leçons morales que nous légua la sagesse antique. Le livre de la science, qu’on m’entr’ouvre très peu, afin de ne point m’éblouir, m’émerveille. Et la haute  signification des faits historiques ne m’échappe pas le moins du monde. J’assiste avec une satisfaction visible à la ruine de Carthage ; je comprends que la fin de l’autonomie grecque, bien que déplorable, fut méritée. J’applaudis, comme il convient, à la victoire de Cicéron sur Catilina ; et aussi au triomphe de César. L’empire Romain s’établit, à ma grande joie ; c’était nécessaire ; « et Jésus-Christ vient au monde. » Pourtant, il faut être juste : les invasions des Barbares ont eu du bon ; pourquoi pas ? Quant aux Anglais, je sais que trois voix crieront éternellement contre eux, et que c’est fort heureux que Jeanne d’Arc les ait chassés de France. Je vois clairement que la destinée des Empires tient à un grain de sable ; que la Révolution française fut un grand mouvement libérateur, mais qu’il faut néanmoins en blâmer les excès… Poésie de faussaires ; science d’apprentis teinturiers ; géographie de collecteurs de taxes ; histoire de sergents recruteurs ; chronologie de fabricants d’almanachs…

    On forme mon goût, aussi. Je vénère Horace, « qu’on aime à lire dans un bois » ; et Homère, « jeune encor de gloire. » J’estime fort Raphaël pour les Loges du Vatican, que j’ignore ; Michel-Ange, pour le Jugement Dernier, que je n’ai jamais vu. Boileau a mon admiration ; et Malherbe, qui vint enfin. Je sais que Molière est supérieur à Shakespeare et que si les Français n’ont pas de poème épique, c’est la faute à Voltaire. Je distingue soigneusement entre Bossuet, qui était un aigle, et Fénelon, qui fut un cygne. Plumages !… J’honore Franklin.

    Je vis en vieillard…

    Georges Darien "Le voleur"

     

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