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Par Cruella le 1 Novembre 2020 à 14:05
Aux branches que l'air rouille et que le gel mordore,
Comme par un prodige inouï du soleil,
Avec plus de langueur et plus de charme encore,
Les roses du parterre ouvrent leur coeur vermeil.
Dans sa corbeille d'or, août cueillit les dernières :
Les pétales de pourpre ont jonché le gazon.
Mais voici que, soudain, les touffes printanières
Embaument les matins de l'arrière-saison.
Les bosquets sont ravis, le ciel même s'étonne
De voir, sur le rosier qui ne veut pas mourir,
Malgré le vent, la pluie et le givre d'automne,
Les boutons, tout gonflés d'un sang rouge, fleurir.
En ces fleurs que le soir mélancolique étale,
C'est l'âme des printemps fanés qui, pour un jour,
Remonte, et de corolle en corolle s'exhale,
Comme soupirs de rêve et sourires d'amour.
Tardives floraisons du jardin qui décline,
Vous avez la douceur exquise et le parfum
Des anciens souvenirs, si doux, malgré l'épine
De l'illusion morte et du bonheur défunt.Nérée BEAUCHEMIN (1850-1931) *
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Par Cruella le 21 Octobre 2020 à 12:57
Aucune paix en moi, qui ne puis combattre,
Je crains, espère, brûle, je suis de glace;
Je vole par le ciel et je gis sur terre,
Je n'étreins rien, j'ai dans mes bras le monde.
Et celle qui m'emprisonne, elle ne m'ouvre
Ni ne défait mes liens ni ne veut de moi.
Ainsi me tue Amour, qui ne me libère,
Ni ne me veut en vie, ni en repos.
Je vois sans yeux et sans bouche je crie,
Je veux mourir mais appelle au secours,
J'ai de moi haine et d'elle, ah, quel amour!
Je broute la douleur, je ris en pleurs,
Je déteste aussi bien la mort que la vie,
Madame, je suis tel à cause de vous."Je vois sans yeux et sans bouche je crie" Pétrarque *
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Par Cruella le 9 Octobre 2020 à 10:05
Te rencontrer, sans te réduire
Te désirer, sans te posséder
T'aimer, sans t'envahir
Te dire, sans me trahir
Te garder, sans te dévorer
T'agrandir, sans te perdre
T'accompagner, sans te guider
Être ainsi moi-même au plus secret de toi.
Jacques Salomé *
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Par Cruella le 16 Septembre 2020 à 10:26
Mallarmé.
C'est un poème qui emprunte à son premier vers son titre : Une négresse par le démon secouée. Le voici :
Une négresse par le démon secouée
Veut goûter une enfant triste de fruits nouveaux
Et criminels aussi sous leur robe trouée,
Cette goinfre s'apprête à de rusés travaux :
A son ventre compare heureuses deux tétines
Et, si haut que la main ne le saura saisir,
Elle darde le choc obscur de ses bottines
Ainsi que quelque langue inhabile au plaisir.
Contre la nudité peureuse de gazelle
Qui tremble, sur le dos tel un fol éléphant
Renversée elle attend et s'admire avec zèle,
En riant de ses dents naïves à l'enfant ;
Et, dans ses jambes où la victime se couche,
Levant une peau noire ouverte sous le crin,
Avance le palais de cette étrange bouche
Pâle et rose comme un coquillage marin."L'homme qui regarde" Alberto Moravia
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Par Cruella le 25 Août 2020 à 10:00
Paul Éluard – Comprenne qui voudra
En ce temps là, pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait des filles.
On allait même jusqu’à les tondre.Comprenne qui voudra
Moi mon remords ce fut
La malheureuse qui resta
Sur le pavé
La victime raisonnable
À la robe déchirée
Au regard d’enfant perdue
Découronnée défigurée
Celle qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimésUne fille faite pour un bouquet
Et couverte
Du noir crachat des ténèbresUne fille galante
Comme une aurore de premier mai
La plus aimable bêteSouillée et qui n’a pas compris
Qu’elle est souillée
Une bête prise au piège
Des amateurs de beautéEt ma mère la femme
Voudrait bien dorloter
Cette image idéale
De son malheur sur terre.Paul Éluard écrit ce poème en 1944, à la Libération. Il est publié clandestinement dans le recueil de poèmes Au rendez-vous allemand. *
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