• "A la salle de bain..."
    Mon père ferma la porte.
    "Descend ton pantalon."
    Je l'entendis décrocher le cuir à rasoir. J'avais toujours mal à la jambe droite. Ça n'allait pas m'aider. Le cuir, je le connaissais depuis longtemps. Tout le monde était indifférent à mes ennuis : ça non plus, ça ne m'aidait pas. Là-bas, de l'autre côté, des gens , il y en avait des millions. Et aussi de chiens et des chats, et des rats à bourses, et bâtiments, et des rues: mais cela n'avait aucune importance. Ici, il n'y avait que mon père, le cuir à rasoir, la salle de bain et moi. Ce cuir à rasoir, il s'en servait pour aiguiser son rasoir et moi, dès le matin, je la haïssait: cette gueule toute blanche de crème à raser! Ce type qui se rasait debout devant la glace. C'est alors que le premier coup de cuir m'arriva dessus. Ça fit un grand bruit plat, un bruit presque aussi horrible que la douleur que je ressentis. Le cuir s'abattit une deuxième fois. A agiter son cuir, mon père ressemblait à une machine à frapper. J'eus l'impression d'être enfermé dans un tombeau. Le cuir s'abattit encore une fois: je me dis que c'était surement le dernier coup. Mais non. Il retomba encore et encore. Mon père, je ne le haïssais pas. Il y avait seulement qu'il était incroyable, que moi, j'avais tout simplement envie de m'éloigner de lui. Je n'arrivais pas à pleurer. J'étais bien trop mal pour pleurer, bien trop paumé. Le cuir atterrit encore une fois. Et puis mon père s'arrêta. Je me redressai et attendis. Je l'entendis raccrocher le cuir. [...]
    Je l'entendis sortir de la salle de bain. Il avait refermé la porte de la salle de bain. Les murs de la salle de bain étaient beaux, la baignoire était belle, le lavabo était beau, et aussi le rideau de douche. Même le siège des W.-C.
    Mon père n'était plus là
    "Souvenirs d'un pas grand-chose"(*)

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  • Jacques Brel, La bêtise humaine.

    Jacques Brel nous parle de colère, d'indignation

    Jacques Brel - Le talent c'est l'envie

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    Une dentelle s’abolit


    Une dentelle s’abolit
    Dans le doute du Jeu suprême
    A n’entrouvrir comme un blasphème
    Qu’absence éternelle de lit.

    Cet unanime blanc conflit
    D’une guirlande avec la même,
    Enfui contre la vitre blême
    Flotte plus qu’il n’ensevelit.

    Mais chez qui du rêve se dore
    Tristement dort une mandore
    Au creux néant musicien

    Telle que vers quelque fenêtre
    Selon nul ventre que le sien,
    Filial on aurait pu naître.

    Stéphane Mallarmé *

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    Là où la peur ne raconte ni contes, ni poèmes, elle ne forme pas de figures de terreur et de gloire.
    Un vide gris est mon nom, mon pronom.
    Je connais la gamme des peurs et cette manière de commencer à chanter tout doucement dans le défilé qui reconduit vers mon inconnue que je suis, mon émigrante de moi.
    J'écris contre la peur. Contre le vent et ses serres qui se loge dans mon souffle.
    Et quand, au matin, tu crains de te retrouver morte(et qu'il n'y ait plus d'images): le silence de l'oppression,le silence d'être là simplement, voilà en quoi s'en vont les années, en quoi s'en est allée la belle allégresse animale.
     
    "L'enfer musical" A. Pizarnik (*)
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