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    J'accepte vos critiques, vos insultes, mais à la condition expresse que vous soyez pas de ces gens qu'empruntent, resquillent, parpillent les livres ! peste de l'espèce ! si vous l'avez foiredempoigné au "prêtez-le-moi-je-vous-le-rendrai" ça serait mieux de vous taire... bien sûr, les moeurs sont avec vous !... on peut affirmer tranquillement qu'un livre ça s'achète plus, ça se vole... c'est même une sorte de "point d'honneur" de plus jamais acheter un livre. Pas un sur vingt qui vous a lu qui vous a payé ! c'est pas triste ? allez demander question jambon si une tranche peut faire vingt personnes ? si un fauteuil au cinéma tient quarante fesses ?... bonjour à vous, pauvre pillé ! écrivaineux ! encore le pire du pire peut-être c'est le mépris qu'ils ont que c'est gratuit !... la façon qu'ils abîment votre œuvre, la détestent, s'en torchent, comprennent balle, sautent fourguer ce qu'il en reste au Quai... vous me direz : y a un remède ! y a qu'à noyer les prêteurs ! emprunteurs avec ! que ceux qu'on douillé grimacent !... soit ! l'épicier trouve tout naturel qu'on lui chine un peu son hareng... mais allez lui secouer ? la Police !... moi, là, que j'aille débagouler, clowner pour rien, c'est pas l'horreur ? qu'ai tant payé !... de penser qu'on m'artiche, je blêmis, je suffoque pire qu'entre les poignes de l'ogre !... je coagule sang cœur nerfs... Muse dilapideuse salope, marre !

     
    "Féerie pour une autre fois"  Louis-Ferdinand Céline
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    Oh ! oui, la misère et le malheur règnent sur l’homme !

     

    Oh ! la misère ! la misère ! vous ne l’avez peut-être jamais ressentie, vous qui parlez sur les vices des pauvres. C’est quelque chose qui vous prend un homme, vous l’amaigrit, vous l’égorge, l’étrangle, le dissèque et puis après elle jette ses os à la voirie ; quelque chose de hideux, de jaune, de fétide, qui se cache dans un taudis, dans un bouge, sous l’habit d’un poète, sous les haillons du mendiant. La misère ? c’est l’homme aux longues dents blanches, qui vient vous dire avec sa voix sépulcrale, le soir, dans l’hiver,  au coin d’une rue : « Monsieur, du pain » ! et qui vous montre un pistolet ; la misère ? c’est l’espion qui se glisse derrière votre paravent, écoute vos paroles et va dire au ministre : « Ici, il y a une conspiration ; là, on fait de la poudre ». La misère ? c’est la femme qui siffle sur les boulevards entre les arbres ; vous vous approchez d’elle, et cette femme a un vieux manteau usé ; elle ouvre son manteau, elle a une robe blanche, mais cette robe blanche a des trous ; elle ouvre sa robe et vous voyez sa poitrine, mais sa poitrine est amaigrie, et dans cette poitrine il y a la faim. Ah ! la faim ! la faim ! oui, partout la faim, jusque dans son manteau dont elle a vendu les agrafes d’argent, jusque dans sa robe dont elle a vendu la garniture de dentelles, jusque dans les mots dits avec souffrance : « viens ! viens » ! Oui, la faim jusque dans ses seins où elle a vendu des baisers !

     

    Ah ! la faim ! la faim ! ce mot-là, ou plutôt cette chose-là a fait les révolutions ; elle en fera bien d’autres !

    Gustave Flaubert "Agonies"Œuvres de jeunesse 
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