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  • Cette histoire a commencé ... il y trois ans.

    Tous les soirs, avant d'aller me coucher, je ferme la fenêtre de la cuisine. Je la laisse ouverte ou entre-ouverte selon le temps et la saison. Cette soirée était particulièrement belle, un ciel de nuit très clair plein d'étoiles. Ce n'est pas souvent qu'un tel spectacle se présente à vos yeux dans la capitale. J'admirais cette merveille de la nature quand j'ai aperçu un homme. Il se dirigeait vers l'immeuble d'en face, chargé de gros sacs (trois dans chaque main). Intriguée, j'ai oublié le ciel et les étoiles...
    L'immeuble en question appartient à la municipalité de la ville avec une crèche au rez-de-chaussée. Devant les fenêtres de la crèche il y a une avancée en dur et un toit. Dans la journée les parents y déposent les poussettes, le temps d'aller chercher les enfants. La nuit cette espace protégé présente un "abri". C'est vers cet abri que l'homme se dirigeait.  
    Clouée à ma fenêtre, je l'observais... ce n'était pas ce que l'on peut appeler le voyeurisme, mais une simple curiosité. Il a sorti d'un de ses sacs un matelas et il l'a déroulé par terre. Après cela, il s'est changé en pliant soigneusement les vêtements qu'il portait et enfila d'autres pour dormir. 
    Cette nuit-là je n'ai pas beaucoup dormi, je pensais à l'homme qui passait la nuit sous les fenêtres de la chèche municipale. Il me donnait l'impression d'un homme qui avait une vie normale et puis du jour au lendemain, pour les raisons que je ne connaîtrais probablement jamais, il s'est retrouvé dans la rue, seul, sans abri ... il est devenu un SDF.
    Je me lève tôt et je commence toujours pas me préparer le café. En regardant pas la fenêtre, je l'ai vu se lever, se changer et repartir chargé de ses sacs. Où allait-il?
    A partir de ce jour-là, j'attendais qu'il arrive avant d'aller me coucher et s'il tardait je m'inquiétais. Cela peut paraître idiot, mais j'avais une sorte de tendresse pour cet homme, cet inconnu... Une année s'écoula, l'homme arrivait le soir et repartait le matin.
    Un matin, en prenant le bus... je l'ai vu. Il était assis sur un siège, les sacs rangés de façon à ne pas gêner le passage. Il se faisait tout petit, la tête sur la poitrine n'osant pas regarder les gens, comme s'il voulait être invisible. Cette rencontre m'avait profondément ému. J'avais envie de lui dire "Bonjour, Monsieur, je vous vois enfin..." mais je ne fit rien.  Je l'avais observé discrètement: le visage calme, serein, détendu... Ce matin, j'ai découvert le visage de l'homme qui vient dormir sous les fenêtres de la crèche municipale d'un immeuble d'en face. Il est devenu "mon" SDF... Un soir il n'est pas venu, c'était en janvier et les nuits étaient glaciales. Son absence avait durée deux mois, deux longues mois durant lesquelles je me demandais sans cesse "Où est-il, que fait-il, est-il malade?" Je priais ... pour qu'il ne soit rien arrivé à mon SDF. Tous les soirs je l'attendais, en vain... et je me couchais avec une pensée pour cet homme. Je commençais à me faire à l'idée qu'il ne viendra plus... et voilà qu'un soir après deux mois d'absence il est arrivé, chargé de sacs, trois dans chaque main.
    Depuis son retour, je le croise de temps à autre dans le bus. Il descend toujours un arrêt avant moi, je ne sais pas où il va, ni où il passe ses journées, mais  j'espère qu'il viendra le soir et je le verrai saint et sauve avant d'aller me coucher. Cela fait trois ans déjà...
    Je regarde cet immeuble, 90% de ces habitants sont des immigrés.
    Le sentiment de colère et d'injustice  me "dévore" chaque jour un peu plus...


    PS: Cela fait un an que j'ai écrit ce récit, ayant  déménagé entre temps ... je ne sais pas ce qu'il est devenu  ...

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    L'anarchisme n'est pas, en ce sens, une doctrine nouvelle. Elle est admirablement exposée par Tchouang-tseu, philosophe chinois qui vécut environ 300 ans avant Jésus-Christ :
    Les chevaux ont des sabots pour les porter sur la neige et la glace ; un pelage qui les protège du vent et du froid. Ils mangent l'herbe et s'abreuvent d'eau, et ils gambadent par la campagne. Telle est la vraie nature des chevaux. Les demeures princières ne leur sont d'aucune utilité.

    Un jour apparut Pô Lo, qui dit : “ Je m'y connais en chevaux ”.

    Alors il les marqua au fer rouge, et les tondit, et tailla leurs sabots et leur mit un licou, les attachant par la tête et leur entravant les pieds et les alignant dans des écuries, avec pour résultat qu'il en mourut deux ou trois sur dix. Ensuite il les affama et les priva d'eau, les faisant trotter et galoper, les bouchonnant et les étrillant, avec, par-devant, le supplice de la bride à pompons, et par-derrière, la crainte du fouet noué, jusqu'à ce que plus de la moitié d'entre eux fussent morts.

    Le potier dit : “ Je fais ce que je veux de l'argile. Si je la veux ronde, je me sers d'un compas ; rectangulaire, je me sers d'une équerre. ”

    Le charpentier dit : “ Je fais du bois ce que je veux. Si je le veux courbé, je me sers d'un arc ; droit, je me sers d'un cordeau. ”

    Mais de quel droit croyons-nous que par leur nature l'argile et le bois ont envie de cette application du compas et de l'équerre, de l'arc et du cordeau ? Néanmoins chaque génération loue Pô Lo pour son habileté à dresser les chevaux, et les potiers et les charpentiers pour leur dextérité avec l'argile et le bois. Ceux qui gouvernent l'empire commettent la même erreur.

    Or, je considère le gouvernement de l'empire d'un point de vue tout à fait différent.

    Les hommes possèdent certains instincts : tisser et se vêtir, labourer et se nourrir. Ceux-ci sont communs à l'humanité tout entière, et tout le monde est d'accord là-dessus. On appelle de tels instincts “ dons du ciel ”.

    Donc, à l'époque où régnaient les instincts, la démarche des hommes était tranquille, leur regard assuré. Il n'y avait en ce temps-là point de chemin par-dessus les montagnes, ni de bateaux ni de ponts enjambant l'eau. Toutes choses étaient produites, chacune à sa propre fin. Les oiseaux et les bêtes se multipliaient ; on pouvait les conduire avec la main ; les arbres et les buissons croissaient ; on y grimpait pour épier le nid du corbeau. Car l'homme vivait alors avec les oiseaux et les bêtes, et la création tout entière était une. On ne faisait pas de distinction entre les hommes, bons ou mauvais. Tous étant également sans savoir aucun, ils ne pouvaient s'éloigner de la vertu. Tous étant également sans désirs mauvais, ils vivaient dans un état d'innocence naturelle, l'existence humaine parfaite.

    Mais lorsque apparurent les Sages, faisant des croche-pieds aux gens avec leur notion de charité et les entravant de devoirs envers leur prochain, le doute se glissa dans le monde. Avec leurs pâmoisons musicales et leurs simagrées cérémonielles, l'empire se divisa pour sa perte.

    "Le monde qui pourrait être : Socialisme, anarchisme et anarcho-syndicalisme" 
    Bertrand Russell
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