• Vïï (32)

    Ce qu’oyant, les bonnes gens réunis autour de lui baissèrent la tête à qui mieux mieux. Un galopin même, que tous les croquants se croyaient le droit d’envoyer à leur place puiser de l’eau ou balayer l’écurie, ce rien-du-tout de galopin osa cette fois ouvrir la bouche comme les autres.

    Dans ce moment vint à passer une femme encore assez jeune, dont un justaucorps serré à la taille faisait ressortir les formes rebondies. C’était l’aide de la vieille maritorne, une faraude à tous crins, qui épinglait toujours quelque babiole à sa coiffe, un bout de ruban, un œillet, voire une papillote à défaut d’autre chose.

    « Bonjour, Thomas, dit-elle en apercevant le philosophe… Ah, mon Dieu, que t’est-il arrivé ? s’écria-t-elle tout à coup en frappant de surprise ses mains l’une contre l’autre.

    – Quoi donc, espèce de sotte ?

    – Mais tu es devenu tout gris !

    – Eh, eh, c’est ma foi vrai ! constata Spirid après avoir considéré Thomas avec attention. Te voilà quasiment aussi blanc que notre vieux Iavtoukh. »

    À ces mots le philosophe se précipita dans la cuisine où il avait remarqué un morceau de miroir, petit triangle sali par les mouches et destiné à la toilette de la faraude, à en juger par les myosotis, par les pervenches, par la guirlande de soucis qui l’entouraient.

    En effet, une partie de ses cheveux étaient devenus blancs ! Thomas Brutus dut le reconnaître non sans épouvante. Il baissa la tête et réfléchit profondément.

    « Je vais de ce pas tout conter au seigneur, se dit-il enfin, et lui déclarer tout franc que je ne veux plus réciter les prières. Qu’il me renvoie tout de suite à Kiev. »

    Et il se dirigea dans cette intention vers le corps du logis.

    suite ...