• Vïï (15)

    « Viens çà, Spirid, que je t’embrasse !

    – Sur mon cœur, Doroche, sur mon cœur ! »

    Une joue appuyée sur son poing, le plus vieux de la bande, à en juger par ses moustaches grises, sanglotait à fendre l’âme : il n’avait plus ni père ni mère, il était seul au monde. Un autre, grand raisonneur, lui prodiguait des consolations.

    « Ne pleure pas, voyons, ne pleure pas : Dieu sait ce qu’il fait. »

    Un autre, celui qui avait nom Doroche, se montra soudain fort curieux.

    « Voyons, demandait-il sans cesse au philosophe Thomas, dites-moi un peu ce qu’on vous enseigne au séminaire. C’est-y ce que notre chantre nous dégoise à l’église, ou bien c’est-y autre chose ?

    – Laisse là tes questions, disait le raisonneur d’une voix empâtée. Va pour ce qui en est. Dieu sait ce qu’il fait. Dieu sait tout.

    – Non, non, insistait Doroche, je veux savoir ce qu’il y a dans leurs livres : c’est peut-être pas du tout la même chose que dans ceux de notre chantre.

    – Mon Dieu, mon Dieu ! reprenait le digne mentor. Peut-on dire des choses pareilles ! C’est la volonté du bon Dieu, voyons ! Et ce que Dieu a fait, on n’y peut rien changer.

    – Je veux savoir tout ce qui est écrit. Je veux entrer au séminaire. Parole d’honneur ! Tu ne me crois peut-être pas capable d’apprendre ce qu’on y enseigne ? j’apprendrai tout, tout.

    – Ô mon Dieu, mon Dieu !… » soupira le consolateur, et il laissa choir sa tête sur la table, car il n’était plus en état de la tenir debout.

    Cependant les autres Cosaques parlaient des seigneurs ou se demandaient pour quelle raison il y a une lune au ciel.

    suite ...