• TOUT DOIT DISPARAÎTRE (2) 3/5

    Je ne regrette qu’une chose – pour ma part-, c’est d’avoir accepté d’aller à l’École jusqu’au bac : j’aurais dû refuser et rester chez moi : je n’y ai strictement rien appris au Lycée : j’ai été pillé de par mon enthousiasme frénétique pour les lettres d’une belle énergie sur laquelle ces enflures de professeurs se reposaient. Il est difficile aujourd’hui de savoir du professeur et de l’élève celui que j’exècre le plus. Professeur, c’est déjà une  sale race, à condamner sans rémission : quelque chose comme pouille, prêtre ou flic : il n’y a pas de bons profs. Chics scouts ou nazis secs, cools ou rigolos, c’est la même engeance.
     Quant aux élèves, aux étudiants, j’ai du mal à admettre leur existence. Petits cons, glousseuses, syndicalistes, minables, hippies fades, arrogants puceaux, lilliputiens d’adultes ratés ! Quelle foison totale de bêtas mornes tout de même ! J’ai rêvé longtemps dans tous les pays à des camps d’extermination pour les étudiants… Il faut les faire crever, leur sale mentalité d’ados ridics ! Pour tout déformer, il suffit de demander l’avis des lycéens ! C’est le comble de la charogne satisfaite à gifler, à écarteler pour bien voir leur vide, leur nullité gargouillant au centre d’une acné pulvérulente à souhait. Que viennent nous foutre les idées des jeunes ? Ces hésitations borborygmiques, ces ahanements, hihanements stériles et vaniteux, et cette maturité artificielle surtout : cette macaquerie d’hommes. Quand on les voit, c’est comme si on avait mis trop d’engrais ! C’est la Polka des précoces ! Les bancals du Bahut ! Jussieux viciés ! Ah ! pauvres, pauvres, pauvres petits jeunes tarés morveux ! Le jour où le monde a donné la parole aux étudiants, il a tout perdu.
     Je n’ai jamais mis les pieds dans une université, pas le moindre tourisme dans une petite fac. Je suis l’un des rares « jeunes » de ce temps à ignorer complètement ce que peut être l’ambiance d’un amphi, d’une fin de cours, d’une distribution de tracts, d’un pot général à la sortie, de la pause cigarette… Autant de sensations extraordinaires que mon destin de couard fuyard ricanard planqué m’a refusées. Tant pis pour moi. Je passe toujours à côté du médiocre ! Crève, Ignare !
     Si je suis de ma génération, alors je veux être contre elle, absolument : chaque pulsion de jeune con moderne, chaque rock sera ressenti dans ma carne comme autant de mauvais sorts auxquels je riposterai par cent mille blessures. *
     Je parle des jeunes parce que j’ai du mal à admettre mon âge. Je me sens à des milliards de kilomètres de chacune de leurs castes. J’abomine en larves tous ces abattis de coquelets, que ce soient les ex-hippies sur le retour, les jeunes bourgeois froids, les rockers débiles, les sympas débrouillards, les loubards, les travailleurs, les feignants, les pédés, les sportifs, les drogués, les reggaes, les Iroquois, les Apaches ou les Comanches… Toutes ces bêtes ridicules qui ont tant à ne rien dire et tous en commun cette espèce de fausse violence, de vivacité pour du beurre, de faux enthousiasme, de course au fric, d’arrogance artificielle merveilleusement broyée dans une comédie de frénésie pour blasés, qui se forcent à s’amuser en singeant la « paumure » souveraine de leurs pères nuls, fragiles fils de minus déguisés et minus eux-mêmes, prêts à tout pour faire semblant d’être prêts à tout, en « corvée de pied » permanente, jamais vraiment amoureux, jamais vraiment passionnés, jamais vraiment touchés parce que recouverts d’une couche de complexe global pour tout, huile d’âme sur laquelle tous les coups glissent. Vides de tout à en mourir, les jeunes lâchés en pleine forêt ne savent plus monter aux arbres. Ça ne vient pas du tout d’un dégoût du monde. Aucune génération n’a été aussi bien dans la société.
     Ça se voit très bien dans leur façon de s’habiller. Ils ont peur du ridicule. La mode est-elle autre chose ? Il faut bien qu’ils se remplissent la carcasse vidangée, ces petits épouvantails ! Il n’y a rien sous ces chiffons bariolés, aucune révolte au fond de ces touffes verdâtres. Dehors les excentricités ! Dedans, zéro : bien sages futurs dentistes, informaticiens, pouilles civiles… Dans cinq ans tous les punks enlèvent leurs épingles à nourrice et s’en servent pour langer leur gosse, là-bas dans les « Domaines »… Plus leurs vêtements sont fantaisistes, plus eux sont banals, insignifiants. Aucune trouvaille n’est « terrible ». Tous les Noirs n’ont pas l’allure de rois nègres, hélas ! On cherche à se raffiner et on n’aboutit guère qu’à une vulgarité plus sournoise encore. Ce simulacre  d’élégance partout m’écœure. En matière d’habit, cette société me fait penser au free-jazz sur sa fin. Plus personne ne regarde l’autre. Chacun dans son coin fait n’importe quoi, et c’est tout pareil : tout laid. C’est de plus en plus difficile de se faire remarquer. Barbey d’Aurevilly passerait rue Rambuteau, personne ne se retournerait plus sur ses rubans, sa redingote chamarrée, ses falzards déments, ses cols démesurés et ses bures grotesques, toute sa clownerie puérile de cabotin majestueux… Zavatta mystique ! *

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