• Son corps

     

    Elle restait immobile dans la même position. Elle  ressemblait à un petit animal nocturne attiré par le clair de lune. L'ombre de ses lèvres était amplifiée par l'angle du rayon de lune. Cette ombre qui semblait si fragile tremblotait au rythme de son coeur. Comme si ses lèvres chuchotaient des mots inaudibles à l'adresse des ténèbres.
    J'avalai ma salive pour essayer de rafraichir ma gorge desséchée et le bruit que je fis résonna fortement dans le calme de la nuit. Alors, comme répondant à un signal, Naoko se releva et vint s'agenouiller sur le sol à mon chevet, dans un léger froissement de tissu, pour me regarder dans les yeux. Je lui rendis son  égard, mais ses yeux ne me parlaient pas. Ses prunelles étaient d'une limpidité presque artificielle, et j'eus l'impression que je pourrais peut-être apercevoir l'autre monde à travers elles. J'eus beau regarder, je ne vis rien. Nos deux visages étaient  élongés d'à peine trente centimètres, mais il me semblait qu'elle se trouvait à des années-lumière de moi.
    Je tendis la main pour essayer de la toucher, mais elle se recula rapidement. Ses lèvres frémirent. Elle leva les deux mains et commença lentement à déboutonner sa robe de chambre. Il y avait sept boutons en tout. J'observais ses beaux doigts fins déboutonnant les boutons l'n après l'autre, et je croyais rêver. Quant elle eut entièrement déboutonné ces sept petits boutons bancs, elle enleva sa robe de chambre en la faisant glisser sur ses hanches, comme un insecte lors de la mue, et se retrouva nue. Elle n'avait rien dessous. La seule chose qu'elle avait sur elle était cette barrette en forme de papillon. Maintenant qu'elle avait enlevé sa robe de chambre, elle me regardait, toujours agenouillée sur le sol. Son corps, éclairé par la douce lumière émanant de la lune, était comme un corps neuf, tout juste né. Quand elle bougea, d'un mouvement imperceptible, les parties de son corps éclairées par la lune se déplacèrent curieusement, et les ombres qui rehaussaient ses courbes se modifièrent. Les rondeurs de sa poitrine, ses petits mamelons, le creux du nombril, l'ombre granuleuse des hanches et des poils pubiens changeaient de forme exactement comme les cercles concentriques aux reflets multiples évoluant à la surface d'un lac paisible.

    Je réalisai que son corps avait atteint sa perfection. A quel moment s'était-il transformé de cette manière? Et où était donc passé celui que j'avais serré dans mes bras en cette nuit de printemps?

    "La ballade de l'impossible" Haruki Murakami *

    « ELEGEION(AUSTRALIA) -SILENT CRIESKarl Lagerfeld, être et paraître Empreinte Magnéto TV »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :