• Le mal

    Pas facile de définir le mal. André Glucksmann affirmait: "Le bien et le mal ne sont pas des grandeurs parfaitement opposées l'une à l'autre; le bien souvent accouché du mal et la capacité de voir le mal en face est ce qui nous ouvre la capacité d'un bien relatif". Cela fait penser au dicton populaire selon lequel "qui veut faire l'ange fait le diable". Dans "L'éloge de  Richardson", Denis Diderot écrit: "Un bien présent peut être dans l'avenir la source d'un grand mal; un mal, la source d'un grand bien". Ces quelques paroles montrent combien il est difficile de cerner le mal et de le définir clairement. Le mal est un déplaisir, il est ce qui nuit, ce qui blesse, le contraire du bien. Mais un mal qui accouche de lendemains radieux est-il un mal?  

    Un autre problème se pose, celui de la nature du mal. De nombreux philosophes ont songé au problème de la définition de la nature du mal. Héraclite estime que la démesure poussant l'homme à dépasser les bornes de sa nature est une injustice et un méfait, le mal est ce qui permet de goûter au bien dans une "harmonie des contraires".  Chez lui, la nature du mal correspond à une perception plus générale de la vie, elle demeure toute relative et il s'agit pour lui de l'endurer comme une nécessité inhérente à la vie. La thèse du Platon considère que celui qui fait du mal na sait pas ce qu'il fait. Elle renvoie à l'enseignement socratique selon lequel on ne peut savoir le bien et ne pas le faire volontairement. Ainsi, celui qui fait le mal le fait non intentionnellement, du fait d'une ignorance, d'une cause extérieure à la volonté ou sans pouvoir exercer son libre arbitre. Celui qui fait du mal ne le veut pas. On ne peut du reste concrètement vouloir le mal , mais seulement le bien. La nature du mal ne réside ainsi pas dans la partie réflexive, intelligente de l'âme humaine. D'après Freud, le mal trouve son origine dans les pulsions, dans l'inconscient. Le criminel serait alors soumis à une envie soudaine et incontrôlée, plus forte que sa raison. Il n'est pas prouvé que la volonté humaine est bonne en soi, et que cela suppose que l'homme est déterminé à faire le bien, qu'il ne connaît alors aucune liberté. Epiçure part quant à lui du principe que le mal existe et que les dieux n'ont aucun souci des humains, il appartient à l'homme d'apprendre à le supporter et à le dépasser pour arriver à bannir l'idée du mal pour s'attacher, par la raison et les sens, au plaisir. Il pose davantage le mal dans la sensation que dans la transcendance, mais ne se penche pas clairement sur sa nature.

    Pour Spinoza, le mal moral n'existe tout simplement pas. Il n'y a pas de mal ni de bien absolu, il n'existe que de mauvais ou de bons rapports entre les choses. Le mal n'est qu'une interprétation humaine qui veut que nous le percevions dans chaque événement dont les effets nous sont nuisibles.

    Pour Hobbes le mal n'est ni une chose ni une qualité mais une relation qui nous lie aux choses. Le terme "mal" sert avant tout à exprimer ce qui est éprouvé sur le mode de l'aversion: "L'objet quel qu'il soit, de sa haine ou de son aversion, l'homme l'appelle Mal". Ce mal n'est donc en rien contenu dans les objets ou les êtres eux-mêmes: pour la poule, le mal c'est le renard, pour le renard, le mal c'est le chasseur. Selon Trotski, le mal résidera dans l'ensemble des forces réactionnaires qui entravent le développement de la révolution prolétarienne; pour ses adversaires conservateurs, le trotskisme est un mal politique. Le mal n'est que le nom d'une valeur ou d'une illusion qui rend absolu un point de vue. Nietzsche soutient à son tour que le mal ne provient pas des phénomènes ou des choses en soi, mais de la capacité de l'homme à les interpréter: "Il n'y a pas de phénomènes moraux, mais seulement une interprétation morale des phénomènes" écrit-il dans Par-delà le bien et le mal. Cette pensée montre que le mal n'a aucune existence transcendante. Il est une projection imaginaire des faibles qui cherchent un coupable (le mal) face à la tragédie de la réalité. Après avoir défini le mal en tant qu'illusion, et nié sa nature, il propose de se libérer de la morale pour évoluer vers plus de puissance et de joie.Selon Leibniz le mal existe, quelle que soit sa nature, parce qu'il est nécessaire à l'ensemble et à l'harmonie du tableau universel. Le mal (moral), selon Kant réside dans toute action ne pouvant être généralisée à tout le monde sans déclencher le chaos. Mais ce mal est dit moral parce qu'il trouve son origine dans la liberté de l'homme. Il est impossible selon lui de considérer que l'homme ne peut pas vouloir le mal, sans connaissance de cause.  L'homme qui fait le mal n'a pas une volonté absolument mauvaise, ce qui impliquerait que cet homme ignore toute loi morale.Cela serait le fait d'un être démoniaque et non d'un être doué de raison. Si ces deux réfutations visent à responsabiliser l'homme vis-à-vis du mal, elle ne permettent pas à sonder l'origine de ce mal, impénétrable par nature, mystérieux et inaccessible à l'entendement.

    "Le mal absolu"

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