• La jeune fille était...

     

    Mais la façon dont Hertha percevait le monde, sa manière d'être lui apparaissaient comme étrangères. La jeune fille était - comment dire? - à la fois plus simple et pourtant plus exigeante, plus raffinée que lui. La bourgeoisie autrichienne entretiendrait-elle un rapport différent aux choses de la vie? se demandait-il parfois. Ils avaient d'autres habitudes alimentaires, d'autres distractions, d'autres conversations ...
    Hertha savait tirer parti des fleurs - d'une seule fleur, elle n'avait nul besoin de tout un bouquet! - et manier le moindre objet d'une façon particulière, inimitable; elle abordait avec une joie humble tous les trésors de la vie - une fenêtre éclairée par le soleil, un morceau de musique, un instant de bien-être, un bon plat ou le contact de la pluie sur son corps. Elle avait envers la vie une attitude plus discrète, et pourtant plus directe que celle de Kristof.
    [...] Mais, au fond de lui-même, cette différence lui faisait peur et cette peur n'était peut-être pas étrangère au prolongement de leurs fiançailles. Cette différence, cette altérité, c'était Hertha tout entière. Cette matière noble et attrayante que les paroles de Kristof étaient incapables de briser, allait-elle se dissoudre dans la cohabitation des corps - dans le mariage? Plus débordant, plus entraînant, toujours prêt à s'accorder sur des musiques imprévues - sur des capriccios, par exemple -, le rythme d'Hertha n'avait rien à voir avec le sien. Elle semblait inaltérable et pourtant toujours prête, à chaque instant, à se surprendre, et à étonner son entourage par quelque trait de caractère idédit.

    "Divorce à Buda" Sandor Marai

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