• III - NOTRE-DAME DE LA POURRITURE (1) 1/4

     

    En religion, je vais jusqu’à Jésus-Christ, et c’est déjà bien beau.
     Toute notre année est balisée par la vie du Christ. Tous les jours nous « passons » le Christ. J’ai toujours été étonné comme les hommes ont l’air de ne pas s’en apercevoir. Les plus athées vont fêter Noël, mangent du poisson le vendredi, partent en vacances de Pâques, franchissent allègrement tous les clichés. Notre existence est un abrégé de la vie du Christ. Il suffit toute sa vie, jour après jour, de suivre le Christ, de remplir le rôle, combler son aventure, mastiquer les horaires… Ce n’est pas pour rien qu’il y a des millions d’images du Christ différentes.
     Il faut continuer à persécuter le Christ. Le Lynché n’a pas fini d’en baver. Tous les jours, je lui lance des mauvais sorts, je rentre dans les églises pour l’insulter, tout bas, très fort, comme une prière. Depuis ma plus tendre enfance, je dessine des images blasphématoires, des christs pas à prendre avec des pincettes, toutes sortes d’horreurs… Je n’ai aucun « anticléricalisme » en moi : trop mystique pour ça. Mais je suis gorgé de blasphème et d’exégèse péjorative. Vous savez qu’entre deux mots, et quel que soit mon sentiment, je choisis toujours le plus péjoratif, sinon je ne peux écrire. Mon ignorance intuitive m’a poussé à mal interpréter ce concerto de charogne qu’est la vie du Christ. Tuer le Fils, retuer le Fils, voilà l’histoire ! Avec moi, c’est le Sacrilège comme Fanatisme.
     Si le Baptême est un esclavage, il en est d’autres dont personne ne veut soupçonner l’ignominieuse fatalité : avoir communié, avoir prié, s’être confessé, avoir ouvert la Bible. J’ai le droit en tant que miraculé d’exprimer mon atroce virginité dont l’esclavage n’a de pair, du reste, que mon baptême.
     Oui, je veux être en lacune absolue. Je suis un catholique (mouillé au poteau des six mois) irreligieux, un mystique bovidien. Réduire le divin à Dieu, le religieux à la religion, les bibles à la Bible, c’est vraiment enfermer la foudre dans un dé à coudre. Foutaises ! Bêtises ! Caramels ! Jamais le catholicisme ne m’a touché de son folklore infect, je ne suis pas tombé dans le panneau. Je n’ai jamais ouvert une Bible, même pour y cracher dedans.
     Je n’ai jamais pu supporter la légèreté avec laquelle on utilise le vocabulaire chrétien. Toujours sans y penser, sans religion, sans blasphème ni foi : « stigmatiser », « calvaire », « porter sa croix », « faire un miracle », « attendre le messie »… Bloy a passé sa vie à trouver de la divinité derrière les lieux communs, à les remettre dans leur vrai sens. C’est ça qui compte. Ce n’est pas pour se moquer, ou pour montrer son intelligence athée contre la bêtise religieuse comme le font La Bruyère, Flaubert, Molière ou Voltaire : quartette suprême d’antimystiques absolus, mais pour dévoiler les mystères d’un balcon particulier. Ce n’est pas le vocabulaire de Jésus qui m’importe seul, mais Jésus lui-même qui constitue le poncif par excellence de notre civilisation. La figure cachée dans le tapis qu’il faudrait passer sa vie à décoller, comme une rétine… Il faut remettre Jésus dans son incroyable frayeur. Menacer le monde de son Jésus, comme un ivrogne agite à votre passage son gros saucisson… Il faut décoder. Et plus c’est péjoratif, plus ça se révèle dans toute sa puissance. Haïr Jésus, c’est vivre.
     La pensée de Jésus n’est rien. Le christianisme n’est rien. Le catholicisme n’est qu’une muse. Ce qui compte, c’est la personne du rédempteur, le poids de sa carcasse, le trajet de sa vie, son comportement de « Lynché ». La Peinture est la seule à le suivre au radar.
    Ce que j’aime en Jésus surtout, c’est sa récupérabilité totale, son caméléonisme intégral… Il est éclaté dans l’univers, comme une grosse tache étoilée, indélébile… comme sur un suaire.
     On peut faire crever l’Art sacré, mais moi j’offre mes services !
     J’estime qu’avec ma haine, je travaille pour l’Église ! J’ai au moins le chic de l’avouer près de tous ces connards qui se croient dégagés du catholicisme parce qu’ils rigolent d’un sketch sur Jésus de Nazareth. *

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