• II - LE SWING DES CHOSES (5) 2/3

    Puisse l’homme noir nous pardonner à coups de marteau d’avoir, en Europe avec la peinture cubiste et aux États-Unis avec le Jazz, volé puis poussé plus loin le fruit de sa merveilleuse nature, d’avoir puisé en elle tout ce dont la sensibilité moderne avait besoin. Les statuettes, les fétiches, les sculptures, tous les totems et les instruments, tout est rendu aux ethnologues, aux explorateurs, aux historiens, aux savants. Il y a une soumission du Noir : culturelle, raciale et religieuse intolérable. L’influence blanche, le complexe blanc, l’anticomplexe blanc, l’ambition blanche, toutes ces tares font du nègre un enculé qui s’ignore, un consommateur piégé qui va tout droit vers la misère ouvrière, comme il est déjà parvenu à la misère religieuse. Voyez ces pauvres chrétiens de pacotille que la Bible inspire pour sculpter de nouveaux totems. Comment peuvent-ils croire que les catholiques ne se foutent pas de leurs gueules en voyant ces christs ciragineux taillés barbarement à la hache dans des troncs mangés de vers ? Il faudrait, pour figer tous ces écœurants ricanements, ressortir plus souvent certaines statues sur lesquelles on retrouve avec plaisir une casquette ou un binocle, vestiges du passage d’un évangéliste pas assez convaincant…
     Le Blanc, voilà la sous-race ignoble, celle que je méprise le plus. Celle qui n’a rien pour elle, que du mauvais, tout mauvais. Ridicule et puis c’est tout. Le Blanc ne transporte rien. Si par malheur il n’est pas juif, je ne donne pas cher de sa peau. Tellement nul que les Noirs n’en feront qu’une bouchée. Nous ne sommes que d’anachroniques sursitaires bien fragiles : peu à peu les goyes disparaîtront. Si le métissage est provisoire, une technique pour supprimer l’homme blanc de la terre, alors je suis d’accord. Que trois ou quatre nègres bien membrés viennent nous bouffer ces millions d’Américains, de Russes, d’Allemands, de Français, d’Italiens, d’Espagnols, d’Anglais, de Roumains, de Suisses, d’Australiens et d’Ardennais ! Tout pour les Noirs ! Si vous avez besoin de renfort, les Arabes et les Jaunes viendront vous donner un coup de main, mais je vous en prie : faites-nous crever !
     Depuis toujours, je suis raciste, mais j’aime les nègres farouches des bananeraies inabordables, les dangereux pygmoïdes guerriers qui se foutent pas mal du cancer, de la littérature et des grèves de zèle. Turkanas, Pokots, Maliens, Ghanéens, Griots, Balobwilos, Papous, Tutsis, Bantous qui se décontractent majestueusement dans l’espace. Regardez l’air fascinant qu’ils ont : pendant des heures sans s’énerver ils perdent leur temps à se parer de décombres de bijoux, à se râper la gueule ou à s’orner minutieusement de maquillages : ils passent leurs journées en d’inutiles sacrements pour la chasse, pour les « mystères » du soir, les rites et les lentes processions en pirogues à travers des rideaux de poissons volants !… Rien ne me transporte plus qu’un nègre en rite un rien en rage ! J’aime les voir mousser d’écume dans le coperswinguant déhanchement de leurs trognons noirs en quelques danses affolantes ou splendides théâtres magiques, bouquets de battements de mains, nuits d’afriques hululées du gros volume des tambours ou du son gras de gris balafons graves.
     Les Noirs déchargent quelque chose de très important, même quand ils font n’importe quoi. Tous les nègres ne sont pas de grands musiciens ou de grands danseurs ou de grands boxeurs, mais ils ont tous cette allure insupportablement géniale, ce pouvoir de ritualiser tout ce qui se passe autour d’eux, cette possession des ondes, ils sont magiques !… Prenez un Noir qui rentre dans un wagon de métro, tout le monde est écrasé, mal à l’aise, tendu, un vent de meurtre souffle : ce n’est pas le racisme, c’est le swing ! Quand des Noirs parlent en français, à chaque faute ils régénèrent notre sale langue ; ils embronchent les syllabes, déforment tous les accents, traînent sur les sons : ils y mettent le feu ! C’est soudain le français mis à la page, en portée de balafon : moi j’en jouis, admiratif, toujours. L’idéal, ce serait d’écrire comme les Noirs parlent. Malheureusement les nègres qui écrivent ne sont que de petits cons bourrés de complexes qui s’appliquent à singer les horreurs javélisées… Quand je vois un Noir qui chante de l’Opéra, c’est comme un traître pour moi ! Pire que Brasillach ! Parce qu’il ne faut pas croire : la plupart n’ont pas compris que pour se venger de l’impardonnable sauvagerie des vieux colons, il ne s’agit pas d’imiter le Blanc sur son propre terrain, sur son propre terreau de tics petit-bourge ou étudiant arrogant, mais d’affirmer, d’imposer sa négritude avec sa violence originelle. J’ai toujours eu des démêlés avec les Noirs : je suis beaucoup plus raciste qu’eux : ils acceptent mal qu’un Blanc se mette à leur place pour proposer une extermination de toute la race blanche qu’ils sont loin de tous ressentir dans une telle époque d’échanges, de progrès techniques, d’espoir de civilisation, de réduction du racisme. Si vous avez le malheur de vanter les éclairs de toute beauté qu’ils se peignent sur leurs superbes corps de nuit givrée, leurs coiffures de panthères, leurs rubans de vitesses, le swing de leurs hachures, leur philosophie chorégraphique, leurs cérémoniaux, toute leur musique fruste de divines brutes rythmiques, ça s’animose vite : ils vous écharpent, au débotté… Un jour, ils me pendront, moi, comme un fruit étrange. « Nous ne sommes pas des singes ! »

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