• Vïï (6)

    Le rhétoricien se coucha sur le ventre et se mit à chercher le chemin en rampant, mais ses mains ne rencontrèrent que des terriers de renards. Jamais chariot, semblait-il, n’avait laissé de traces dans cette steppe sans fin.

    Au prix de nouveaux efforts, nos voyageurs avancèrent encore quelque peu sans que le tableau changeât. Le philosophe essaya en vain de crier : sa voix se perdit dans l’air, et pour toute réponse, ils ne perçurent qu’un léger gémissement qui ressemblait à un lointain hurlement de loups.

    « Diable, que faire ? dit le philosophe.

    – Nous arrêter et passer la nuit à la belle étoile », répondit le théologien, en mettant la main dans sa poche pour en tirer son briquet et rallumer sa pipe.

    Le philosophe ne pouvait admettre pareille proposition. Il avait l’habitude d’ingurgiter tous les soirs quinze bonnes livres de pain accompagnées de quatre non moins bonnes livres de lard, il sentait donc dans son estomac un vide insupportable. En outre, malgré son humeur joviale, le philosophe craignait un peu les loups.

    « Eh non, Haliava, jamais de la vie, déclara-t-il tout net. On ne peut tout de même pas se coucher comme un chien sans s’être mis quelque chose sous la dent. Essayons encore de trouver une habitation ; nous aurons peut-être la chance de boire au moins la goutte avant de dormir.

    Au mot de goutte, le théologien cracha énergiquement de côté.

    « Oui, bien sûr, approuva-t-il, nous n’allons pas coucher dehors. »

    Les boursiers se remirent donc en marche ; à leur immense joie, ils entendirent bientôt aboyer dans le lointain ; après avoir écouté attentivement d’où venait cet appel, ils se dirigèrent avec plus de courage de ce côté et aperçurent bientôt de la lumière.

    suite ...