• Vassili Grossman: Années de guerre (extrait I)

    La mort d’une ville – Il viendra un jour où le tribunal des peuples ouvrira ses portes ; où le soleil éclairera avec mépris la face astucieuse d’Hitler, son front bas et ses tempes creuses ; où l’ataman de l’aviation fasciste, aux bajoues bouffies de graisse, se retournera à côté du « Führer » sur le banc d’infamie.
    « À mort ! » diront les vieilles femmes aux yeux aveuglés de larmes.
    « À mort ! » diront les enfants dont les pères et les mères ont péri dans les flammes.
    « À mort ! » dirons les mères qui ont perdu leurs enfants.
    « À mort au nom de l’amour sacré pour la vie ! »
    « À mort ! » dira la terre souillée par eux.
    D’ici cent ans les historiens, horrifiés, examinerons les ordres du jour, tranquillement et méthodiquement tracés, adressés par le GQG du commandement allemand à l’armée et aux chefs des escadrilles et des détachements d’aviation. Qui les a rédigés ? Des brutes, des fous ou des êtres inanimés, avec des doigts de fer, des machines à compter et des intégrateurs ?


    Le raid de l’aviation allemande commença vers minuit. Les premiers avions de reconnaissance, volant à grande altitude,bombardemet minsk, lancèrent des fusées éclairantes, quelques paquets de bombes incendiaires. Les étoiles, pâlies, disparurent quand les globes blafards des fusées, soutenus au moyen de parachutes, demeurèrent suspendus dans l’air. Une clarté morte s’épandait, éclairant tranquillement, de façon minutieuse et attentive, les places publiques, les rues et les ruelles de la ville. Toute la cité endormie surgissait dans cette lumière : La silhouette blanche du pionnier en plâtre, sonnant du clairon ; les vitrines des librairies ; les bocaux de cristal aux reflets roses et bleus, derrière les glaces des pharmacies. Dans le parc, le feuillage tout à l’heure sombre des grands érables se détachait, incisif, de l’obscurité, et les jeunes et sottes corneilles poussaient des cris effarés devant ce brusque lever du jour.
    (…)
    Assoupie, elle se dressait sous la blanche clarté des fusées, cette ville abritant des dizaines de milliers de vieux, de vieilles, d’enfants et de femmes, ville qui subsistait depuis neuf siècles, où trois cent ans plus tôt on avait fondé un grand séminaire et bâti une église catholique toute blanche – ville habitée par des générations de joyeux étudiants. (...)

    Vassili Grossman «Années de guerre» éditions Autrement 1993

     

    « A$AP Rocky - Fukk Sleep (Official Video) ft. FKA twigsJ.S. Bach: The Violin Concertos »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :