• Un fou ( suite...)

    Mon cœur battait, ah ! le cœur de l’oiseau ! J’ai jeté le corps dans le fossé, puis de l’herbe par-dessus.

    Je suis rentré, j’ai bien dîné. Comme c’est peu de chose ! Le soir, j’étais très gai, léger,  rajeuni, j’ai passé la soirée chez le préfet. On m’a trouvé spirituel.

    Mais je n’ai pas vu le sang ! Je suis tranquille.

    30 août. — On a découvert le cadavre. On cherche l’assassin. Ah ! ah !

    1er septembre. — On a arrêté deux rôdeurs. Les preuves manquent.

    2 septembre. — Les parents sont venus me voir. Ils ont pleuré ! Ah ! ah !

    6 octobre. — On n’a rien découvert. Quelque vagabond errant aura fait le coup. Ah ! ah ! Si j’avais vu le sang couler, il me semble que je serais tranquille à présent !

    10 octobre. — L’envie de tuer me court dans les moelles. Cela est comparable aux rages d’amour qui vous torturent à vingt ans.

    20 octobre. — Encore un. J’allais le long du fleuve, après déjeuner. Et j’aperçus, sous un saule, un pêcheur endormi. Il était midi. Une bêche semblait, tout exprès, plantée dans un champ de pommes de terre voisin.  

    Je la pris, je revins ; je la levai comme une massue et, d’un seul coup, par le tranchant, je fendis la tête du pêcheur. Oh ! il a saigné, celui-là ! Du sang rose, plein de cervelle ! Cela coulait dans l’eau, tout doucement. Et je suis parti d’un pas grave. Si on m’avait vu ! Ah ! ah ! j’aurais fait un excellent assassin.

    25 octobre. — L’affaire du pêcheur soulève un grand bruit. On accuse du meurtre son neveu, qui pêchait avec lui.

    suite...