• Un fou ( suite...)

    Et puis j’ai fait comme les assassins, comme les vrais. J’ai lavé les ciseaux, je me suis lavé les mains, j’ai jeté l’eau et j’ai porté le corps, le cadavre, dans le jardin pour l’enterrer. Je l’ai enfoui sous un fraisier. On ne le trouvera jamais. Je mangerai tous les jours une fraise à cette plante. Vraiment, comme on peut jouir de la vie, quand on sait !

    Mon domestique a pleuré ; il croit son oiseau parti. Comment me soupçonnerait-il ! Ah ! ah !

    25 août. — Il faut que je tue un homme ! Il le faut.

    30 août. — C’est fait. Comme c’est peu de chose !

    J’étais allé me promener dans le bois de Vernes. Je ne pensais à rien, non, à rien. Voilà un enfant dans le chemin, un petit garçon qui mangeait une tartine de beurre.

    Il s’arrête pour me voir passer et dit : « Bonjour, m’sieu le président. »  

    Et la pensée m’entre dans la tête : « Si je le tuais ? »

    Je réponds : — Tu es tout seul, mon garçon ?

    — Oui, m’sieu.

    — Tout seul dans le bois ?

    — Oui, m’sieu.

    L’envie de le tuer me grisait comme de l’alcool. Je m’approchai tout doucement, persuadé qu’il allait s’enfuir. Et voilà que je le saisis à la gorge… Je le serre, je le serre de toute ma force ! Il m’a regardé avec des yeux effrayants ! Quels yeux ! Tout ronds, profonds, limpides, terribles ! Je n’ai jamais éprouvé une émotion si brutale… mais si courte ! Il tenait mes poignets dans ses petites mains, et son corps se tordait ainsi qu’une plume sur le feu. Puis il n’a plus remué.

    suite...