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    Cinquante ans après sa mort, l’œuvre de Georges Bataille* occupe, chez Gallimard, douze gros volumes, publiés de 1970 à 1988, et la bibliothèque de la Pléiade a accueilli, en 2004, ses Romans et récits. Pourtant, l’écrivain s’est, longtemps, comme dérobé à toute célébration possible. Soit parce que la part autobiographique de son inspiration réclamait l’obscurité : sur son enfance déchirée, aux prises avec un père syphilitique, paralysé, aveugle, et une mère mélancolique, la lumière ne sera jamais faite entièrement (mais Bernard Noël a tenté d’en restituer l’atmosphère dans La Maladie de la chair). Soit en raison de la nature, violemment érotique, de certains de ses écrits, que Bataille, ancien élève de l’École des chartes et en poste à la Bibliothèque Nationale, ne pouvait publier en son nom propre : Histoire de l’œil est un récit devenu célèbre, mais en 1928 il ne paraît que sous pseudonyme (Lord Auch), et à un tout petit nombre d’exemplaires. Il en ira de même pour le Madame Edwarda de 1941, signé Pierre Angélique, texte que Blanchot, à l’occasion d’une réédition en 1956, saluera comme « le plus “beau” récit contemporain ». Soit, enfin, parce que Bataille refuse de mener une carrière selon les règles du jeu littéraire : introduit par son ami Leiris dans le milieu surréaliste, il s’oppose aussitôt à André Breton, et donc à l’avant-garde instituée. Le Second Manifeste du surréalisme, en 1930, accuse vivement Bataille « de ne vouloir considérer que ce qu’il y a de plus vil, de plus décourageant et de plus corrompu » ; Bataille reproche à Breton son ton d’autorité et son « icarisme », c’est-à-dire son idéalisme, alors qu’il défendra toujours, pour sa part, un « bas matérialisme ». Fondamentalement, Bataille ne cherche la gloire que par le chemin paradoxal de l’infamie. Ici

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    Je suis très, très content. Il y a un tas de raisons à cela, mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire de les énumérer. Enfin, la plus importante, c’est que le dimanche 11 décembre (avec sa chute en fin d’après-midi, qui n’était, comme je vous l’ai expliqué, J., que le prolongement d’une faiblesse maintenant vaincue, foulée aux pieds), le 11 décembre a véritablement été le départ vers une nouvelle aventure intérieure, courage, force et droiture.Je me sens heureux. Dehors, il pleut, des enfants sautillent sur le trottoir noir, luisant, en jacassant gentiment, les autos font un bruissement d’eau mince et légère, un glissement humide et chuintant sur le sol ; et moi je me sens heureux. Bientôt, dansune semaine ou deux, je vais réattaquer mon roman : je suis heureux. Notre amitié, J. L. M., a commencé de gravir, depuis dimanche, une côte nouvelle, inaccessible aux autres – inflexibilité, solitude, foi –, et ça marche bien : je suis heureux. Une journéeentière devant moi, avec un thème allemand à faire, il est vrai, mais je tâcherai de le faire vite, une journée pour écrire, ressentir, écouter le bruit des autos et regarder le ciel pâle uniforme, et écouter le silence du ciel, ce silence qui est en fait une grande voixintérieure : je suis heureux.En janvier, j’irai aux sports d’hiver. Neige, soleil et ski : je suis heureux. Il faut que j’appelle Bertrand, il vaut la peine de quelques efforts, mais je crains qu’il n’y ait pas grand-chose de possible avec lui, parce qu’il manque d’ardeur et de conviction. Moi, je roule pleins gaz. J’ai peur que lui n’ait plus de carburant, qu’il n’ait débrayé et ne roule sur sa lancée.N’importe, je suis heureux, heureux, heureux. Ah, vous ne connaissez pas ce bonheur-là, mes camarades de Sciences-Po (camarades ? même pas), vous ressentez tout au plus d’illusoires petites exaltations, dont le mérite ne tient qu’à votre jeunesse,le plaisir d’aller au cinéma ou de tenir une fille dans vos bras (seulement si d’autres en ont envie, car vous n’êtes pas assez forts pour être seuls dans votre goût et votre choix). Mais vous verrez, ces petites flammes qui ne sont que les dernières flambées de votre enfance s’éteindront bien vite, et, devant un feu mort, la vie n’est pas drôle, elle est morte et glacée. « L’enfer, c’est le froid », dit Bernanos. Pour le moment, vous vous chauffez les mains aux dernières braises déjà pâlies, mais vous êtes bien incapables d’aller chercher des bûches pour que le feu reprenne. Vous n’êtes pas assez courageux, vous n’êtes pas assez volontaires, vous n’êtes pasassez forts, assez dignes. Vous paierez tout cela, hélas, il est si certain que vous le paierez, si certain que tout se paie ici-bas, que l’on se demande pourquoi Dieu a créé l’enfer en plus – à moins que l’enfer ne soit le symbole de ces vies glacées que vous êtes condamnés à mener.Les meilleurs d’entre vous s’en rendent bien compte, c’est pourquoi je vois dans leurs yeux ce désespoir qui commence, un désespoir semblable à l’aile traînante et déchirée d’un grand oiseau blessé. Si vous coupiez cette aile, une autre, neuve et plus forte, repousserait, je vous le jure. Mais vous n’avez pas le courage de vous mutiler – ilfaut se mutiler –, vous n’avez pas le courage de vous vaincre. Alors vous pourrirez dans la gangrène. Quand je vous approche et que je vous parle, la plupart d’entre vous sentent déjà cette odeur d’agonie, le rance, le moisi, sentent cette décomposition intérieure qui les ronge et les transforme en charogne. Odeur de mal conservé, odeur de mauvais gouvernement de soi-même.Mais zut, après tout ! Tant pis pour vous si vous trouvez vos joies les plus fortes (qui ne sont pas des joies) dans les surprises-parties, ou les grosses plaisanteries ou les thés chez Basile, ou le pelotage. Tant pis.Il y a quelques êtres qui méprisent tout ça et mettent plus haut leurs joies, leur orgueil, leur volonté ; ce sont les meilleurs : qu’ils gagnent !

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