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  • Lorsque, dans ma treizième année, je lisais pour la première fois La France juive, le livre de mon maître - si sage et si jeune à la fois, d'une jeunesse éternelle, d'une jeunesse religieuse, la seule  capable de retenir au coeur des enfants - m'a découvert l'injustice, au sens exact du mot, non pas l'injustice abstraite des moralistes et des philosophes, mais l'injustice elle-même toute vivante, avec son regard glacé. Si j'avais soutenu seul ce regard, sans doute mon destin eût-il été celui de tant d'autres qui, à travers les siècles, sont venus se briser tour à tour sur la poitrine d'airain. J'ai compris depuis que les solitaires étaient d'avance la proie de ce Satan femelle , dont le mâle s'appelle Mensonge. Pour les autres qu'importe? Qu'importent à la Bête aussi vieille que le temps les faibles qu'elle avale, ainsi que la baleine fait d'un banc de jeunes saumons? Ou l'Injustice n'est seulement que l'autre nom de la Bête - et je n'ose y croire - car elle n'arrête pas de tendre ses pièges, mesure ses coups, tantôt se redresse et tantôt rampe, prend tous les visages, même celui de la charité. Ou elle est ce que j'imagine, elle a quelque part dans la Création sa volonté, sa conscience, sa monstrueuse mémoire.  Si vous voulez bien réfléchir, vous conviendrez qu'il n'en peut être autrement,  que j'exprime en mon langage une vérité d'expérience. Qui oserait nier que  le mal ne soit organisé, un univers  plus réel que celui que nous livrent nos sens, avec ses paysages sinistres, son ciel pâle, son froid soleil, ses cruels astres? Un royaume tout à la fois spirituel et charnel, d'une densité prodigieuse, d'un poids presque infini , auprès duquel les royaumes de la terre ressemblent à des figures ou des symboles. Un royaume à quoi ne s'oppose réellement que le mystérieux royaume de Dieu, que nous nommons, hélas! sans le connaître ni même le concevoir et dont nous attendons pourtant l'avènement.

    "Les Grands Cimetières sous la lune" Bernanos *

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    Entre à la nuit sans rivages
    Si tu n’es toi qu’en passant
    L’oubli rendra ton visage
    Au coeur d’où rien n’est absent

    Ton silence né d'une ombre
    Qui l'accroît de tout le ciel
    Eclôt l'amour où tu sombres
    Aux bras d'un double éternel

    Et t'annulant sous ses voiles
    Pris à la nuit d'une fleur
    Donne des yeux à l'étoile
    Dont ton fantôme est le coeur.

     

    Joë Bousquet

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