• Madame de Sévigné à son cousin Monsieur de Coulanges (2)

    Le lendemain, Louis XIV décidait que sa cousine ne devait pas conclure une union si nettement au-dessous de son rang. Madame de Sévigné reprit la plume.

    A monsieur de Coulanges
    A Paris, ce vendredi 19 décembre 1670

    "Ce qui s'appelle tomber du haut des nues, c'est ce qui arriva hier soir aux Tuileries; mais il faut reprendre les choses de plus loin. Vous en êtes à la joie, aux transports, aux ravissements de la princesse et de son bienheureux amant. Ce fut donc lundi que la chose fut déclarée, comme vous avez su. Le mardi  se passa à parler, à s'étonner, à complimenter. Le mercredi, Mademoiselle fit une donation à M. de Lauzun, avec dessin de lui donner les titres, les noms et les ornements nécessaires pour être nommé dans le contrat de mariage qui fut le même jour.
    Elle lui donna donc, en attendant mieux, quatre duchés: le premier, c'est le comté d'Eu, qui est la première paire de France et qui donne le premier rang; le duché de Montpensier, dont il porta hier le nom de Châtellerault: tout cela estimé vingt-deux millions. Le contrat fut fait ensuite, où il prit le nom de Montpensier.
    Le jeudi matin, qui était  hier, Mademoiselle espéra que le Roi signerait, comme il l'avait dit; mais sur les sept heures du soir Sa Majesté, était persuadée par la Reine, Monsieur, et plusieurs barbons, que cette affaire faisait tort à sa réputation, il se résolut de la rompre, et après avoir fait venir Mademoiselle et M. de Lauzun, il leur déclara, devant M. le Prince, qu'il leur défendait de plus songer à ce mariage. M.de Lauzun reçut cet ordre avec tout le respect, toute la soumission, toute la fermeté, et tout le désespoir que méritait une si grande chute. Pour Mademoiselle, suivant son humeur, elle éclata en pleurs, en cris, en douleurs violentes, en plaintes excessives; et tout le jour, elle n'a pas sorti de son lit, sans rien avaler que des bouillon.
    Voilà un beau songe, voilà un beau sujet de roman ou de tragédie, mais surtout un beau sujet de raisonner et de parler éternellement: c'est ce que nous faisons jour et nuit, soir et matin, sans fin, sans cesse.
    Nous espérons que vous en ferez autant, e fra tanto vi bacio le mani.

    Lauzun tomba en complète disgrâce l'année suivante; il fut jeté en prison, et ce fut seulement dix ans plus tard que la duchesse réussit à libérer son amant, en sacrifiant une par non négligeable de son patrimoine. Le couple qui n'était plus de première jeunesse (la duchesse avait alors atteint l'âge de cinquante-quatre ans) se serait alors marié en secret. Mais très vite des disputes éclatèrent à cause du comportement capricieux et tyrannique du comte. Si l'on croit Saint-Simon, Lauzun se serait un jour adressé à sa femme en ces termes: "Louise d'Orléans, tire-moi mes bottes". Même à un valet de pied, on aurait à peine parlé ainsi à l'époque. La duchesse le quitta sur-le-champ et pour toujours. Même sur son lit de mort, elle semble avoir encore refusé de le recevoir. *

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  • Commentaires

    2
    Jeudi 16 Mars 2017 à 18:16

    Quelle commère cette Mme de Sevigné mais grâce à elle on a appris plein de choses sur ce siècle des lumières, bises

      • Dimanche 19 Mars 2017 à 20:56

        Les commérages ont du bons, une mine d'infirmation sur ce siècle des lumières.
        Bises Faby

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