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    Il est préférable de mourir à cinquante ans en ayant usé, abusé de l'existence sous toutes ses coutures, à l'envers, à l'endroit, couché, n'importe comment, pourvu qu'elle ait servi à quelque chose, que de la terminer à quatre-vingts ans sans un souvenir qui en vaille la peine, après avoir besogné comme un con pour des prunes, fait trente-six gosses à une rémouleuse de lentilles et avoir décroché des certificats de bonne conduite, de bonne tenue, de bon travail, à en fournir ses cabinets de papier hygiénique pour l'éternité…

     

    "Banlieue sud-est"  René Fallet *

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    Vendredi 3 mai 1968
    44 ans, 6 mois, 23 jours

    "La peau vieillit." Cette phrase anodine a fait mouche. C'est une vieille peau, disait maman en parlant des gens qu'elle n'aimait pas (qui aimait-elle ?). Vieille peau, vieille baderne, vieux con, vieille carne, vieux schnoque, vieux débris, vieux machin, vieux croûton, vieux cochon, vieille ganache, vieux dégoûtant : les mots, la langue, les expressions toutes faites laissent entrevoir quelque difficulté à entrer dans la vieillesse d'un cœur léger. Quand y entrons-nous, d'ailleurs ? À quel moment devenons-nous vieux ?

    "Journal d'un corps"  Daniel Pennac

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    LXXI
    De cette idée des adultes que se fait tout jeune homme, à savoir qu'ils seraient plus adultes qu'ils ne le sont, provient l''habitude de s'effrayer à chaque faux-pas qu'il commet et de croire qu'il a perdu l'estime de tous ceux qui en ont été les témoins ou en ont eu connaissance. Puis le voilà qui se rassérène peu à peu, quand, non sans surprise, il se voit traité exactement comme avant. En fait les hommes ne sont pas si prompts à retirer leur estime, car il y aurait sans cesse à le faire, et ils oublient les erreurs, car ils en voient et en commettent beaucoup trop d'affilée. Ils ne sont pas non plus figés au point d'être incapables d'admirer aujourd'hui celui dont ils se gaussaient hier. Cela saute aux yeux si l'on se rappelle toutes les occasions où nous avons brocardé ou critiqué, en termes parfois très durs, tel de nos amis en son absence, sans pour autant qu'il soit privé de notre estime ou traité de façon différente lorsqu'il se trouve de nouveau devant nous.

    Pensées de Giacomo Leopardi

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    "Le temps n'est que la somme des images présentes, passées et à venir entre lesquelles nous cherchons un visage et ne rencontrons désespérément que le nôtre. Nous sommes des ombres qui tentent d'épuiser dans la chair la peur qu'elles ont d'elles-mêmes, la voix, les langues, les textes n'étant que l'ombre portée du temps sur la terre où nous attendons de mourir, ayant trouvé dans le temps ce que nous réclamons à autrui, à la musique, aux grands récits : que le temps passe d'une autre façon, qu'il nous oublie, qu'il cesse de nous faire naître à chaque instant (…)".

    "Ma vie parmi les ombres" Richard Millet

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    D'où ça te vient, cette religion de l'amour, Benjamin? Où est-ce que tu l'as chopée, cette vérole rose? Petits coeurs qui puent la fleur. Ce que tu appelles l'amour.. au mieux, des appétits. Au pis, des habitudes. Dans tous les cas, une mise en scène. De l'imposture de la séduction jusqu'aux mensonges de la rupture, en passant par les regrets inexprimés et les remords inavouables, rien que des rôles de composition. De la trouille, des combines, des recettes, la voilà la belle amour... Cette sale cuisine pour oublier ce qu'on est; Et remettre la table tous les jours; Tu nous emmerdes, Benjamin Malaussène, avec l'amour; Change tes yeux; Ouvre la fenêtre; offre-toi une télé; lis le journal; Apprends la statistique; Entre en politique; Travaille; Et tu nous en reparleras de la belle amour......

    "Monsieur Malaussène"  Daniel Pennac *

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