• Divine Bontemps (suite)

    Ce fut ainsi, et par un enchaînement naturel des choses, que ce dernier, un an et demi plus tard, songea à lui demander de l’épouser.

    Le rêve de sa jeunesse aboutissait donc à ce navrant épilogue. Ah ! certes, ce ne fut point sans une douloureuse ironie qu’elle revêtit, à près de trente ans, la robe blanche des épousées ; et quelque chose en elle de sacrifié et d’extatique apparut si visiblement à l’église, que les spectateurs les moins avertis de l’assistance en furent frappés.

    Dans cette nouvelle demeure, où elle venait « doubler » la disparue, elle trouva ce qu’elle avait prévu : une affection loyale, un foyer mélancolique et le calme.  

    Des choses pourtant saignaient encore en elle. Souvent, il arrivait à Maurice de prendre le petit René, ― c’était le nom de l’enfant, ― et de le regarder sans rien dire, avec des yeux où montait un brouillard ; et Divine, allant d’elle-même au-devant de la souffrance, disait « Comme il ressemble à Lydie, n’est-ce pas, mon ami ? » Que ne pouvait-elle, en ce moment, pleurer, elle aussi, les tièdes larmes que Maurice laissait, sans les essuyer, couler sur sa barbe ! Pourtant un grand bonheur lui vint, sur lequel elle n’avait plus compté. Elle sentit qu’elle allait être mère, et cette pensée rouvrit en elle les sources taries, et il y eut en elle des jaillissements, des ruissellements... Toute sa chair, traversée de tendresse, se mit à refleurir, sembla-t-il. Un sang rose monta à ses joues, vermillonna l’ourlet de ses oreilles ; une ligne d’une douceur adorable relia son menton à son cou, renfla son corsage, arrondit ses hanches ; sa démarche amollie et comme légèrement appuyée révéla la volupté  des formes pleines, et, un soir de causerie heureuse longtemps prolongée, elle vit dans les yeux de Maurice que, elle aussi, elle allait s’appeler l’Amour.

    Ce fut un enivrement étonné, une joie dont elle n’était pas sûre, dans laquelle elle marchait avec des tâtonnements, comme éblouie.

    Une activité inquiète la saisit. Elle s’amusa aux enfantillages des aménagements, combina un mobilier nouveau, fit tendre des pièces claires. Projetée en quelque sorte hors d’elle-même, dans une passion d’espérance, pour la première fois de sa vie, elle se sentit heureuse. Même elle rêva d’un voyage dans les pays du Sud, vers les mers tièdes, parmi les villes aux noms mélodieux, où l’air a le parfum du miel...

    suite...