• Bon! Maintenant, si vous mêlez des sangs de même race, cela peut aller très bien. Les Européens sont tous de souche aryenne, la race est la même. Mais quand vous mêler du sang européen et américano-indien, vous mêlez des sangs de races différentes et vous produisez des métis. Or, le métis est une calamité. Pourquoi...? Il n'est ni chair ni poisson, il est divisé en lui-même. Son sang d'une race le pousse à faire telle chose, son sang d'une autre race le pousse à autre chose. C'est un malheureux et un malheur pour lui même. Le cas est désespéré.

    Et c'est cela le Mexique. Les Mexicains de sang mêlé sont des cas désespérés. Et alors?...
    Mais laissez-moi vous expliquer autre chose. J'espère que nous ne sommes pas entre puritains et que vous m'autoriserez à dire que tout dépend de l'instant du coït. A l'instant du coït, ou bien l’esprit du père se fond avec l’esprit de la mère pour créer un être neuf, pourvu d'une âme, ou bien rien ne se fond que le germe de la procréation.
    Alors, considérez comment se sont formé depuis des siècles ces Mexicains de sang mêlé. Dans quel esprit? Quel fut l'instant de la fécondation? Répondez à cela et vous m'aurez dit la raison qui nous donne ce Mexique qui nous désespère et qui continuera à désespérer tout le monde jusqu'à ce qu'il se soit détruit lui-même. Dans quel esprit les Espagnols et les autres pères étrangers ont-ils eu des enfants des femmes indiennes? Dans quelle sorte d'esprit? Quelle sorte de coït? et alors quelle sorte de race pouvez-vous attendre?"

    "Le serpent à plumes" - D.H.L. *

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  • Comme toujours, il trouva dans l'enfer un furieux courage, une force que rien ne pouvait abattre: il alla de l'avant, sans prudences, ni incertitudes, ni craintes, creusant dans les abîmes du monde. Même si sa femme agonisait dans la pièce voisine, il était avant tout un écrivain: avec l'atroce égoïsme des esclaves de la plume, il pensait d'abord à son récit; et il craignait que la mort de sa femme ne vînt trop tôt, alors que son récit n'était pas encore achevé, l'obligeant à l'interrompre.

    En février, les Carnets du sous-sol ne lui plaisaient pas: il lui semblait qu'ils n'avaient pas assez mûri. Il n'avait jamais rien imaginé d'aussi difficile.  Puis, à mesure que le livre grandissait entre ses mains, à mesure que de nouvelles vagues sortaient de ces abîmes, noires et empoisonnés comme la Tamise - prostré, malheureux, abattu par les crises d'épilepsie - il se convainquit qu'il ne devait pas interrompre son récit [...]

    La tâche qu'il entrevit pendant ces nuits d'horreur et de désespoir, au chevet d'une mourante, était beaucoup plus difficile: porter à la lumière le "sous-sol" qui se cache dans le cœur, dans l'intelligence, dans la langue des hommes. Comment faire pour exprimer cela? ...il savait qu'il portait en lui le monde entier: il lui fallait seulement poser l'oreille sur la fente à travers laquelle montaient les bavardages, les chuchotements, les murmures qui s'agitaient dans son sous-sol, les piaulement du rat caché dans la tanière sordide et empestée, l'odeur humide de renfermé que l'on respire dans certaines caves. C'est ce qu'il fit, au cours de ces mois-là. Il écouta la voix, qui parlait dans son esprit et dans ses ténèbres, cachée en lui comme dans le sein du ventriloque - une voix sarcastique, hystérique, rageuse, goguenarde, moqueuse, qu'il avait peut-être découverte en lui pour la première fois en racontant ses voyages en Europe: il l'enfla, la dilata, la fit grandir autour d'un personnage sans nom.

    "Le Mal Absolu" Pietro Citati

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  • Elle s’appelait Ludivine Bontemps, et par abréviation l’on disait Divine. C’était, à douze ans, une petite fille de grâce pensive et fine, avec des yeux limpides et pâlis, d’un bleu frigide de source cachée dans les bois. De longs cheveux châtain foncé, comme un flot de soie légèrement ondée, tombaient sur ses grêles épaules. Sa bouche était jolie et grave avec la tache brune d’un grain de beauté au coin de la lèvre supérieure ; et derrière cette bouche presque toujours close, et sous l’épaisseur de ces cheveux flottants, et au fond de ses yeux pâles on sentait qu’il devait  se cacher une petite âme exquise et sauvage.

    Des traits particuliers distinguaient en effet Divine Bontemps, et entre tous celui-ci qui s’accusait déjà avec un étonnant relief.

    Douée d’une énergie de tendresse presque excessive, d’une bonté qui se donnait sans réserve aux êtres et aux choses et jaillissait en chaudes effusions dans les profondeurs de son âme, elle reculait devant la manifestation des sentiments même les plus avouables comme devant un péché. Rien ne lui était plus pénible que de sentir les autres deviner son cœur. Un nuage rose empourprait alors subitement ses joues, ses yeux se baissaient invinciblement et cette sensation, si l’on insistait maladroitement, pouvait aller jusqu’à la souffrance.

    C’était ainsi, en tout et avant tout, une nature exaltée et secrète. Seule, il lui arrivait fréquemment de serrer frénétiquement contre sa poitrine le jouet préféré du moment ; ou bien, elle s’adressait avec des gestes passionnés  à des êtres imaginaires dont elle peuplait son coin de retraite ; même parfois elle embrassait les fleurs ; et, certes, ces façons eussent fort étonné ceux qui étaient accoutumés à voir en elle une petite personne réservée de tous points et silencieuse.

    suite...

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  • I.13

    I.14

     

    Amélie Nothombe

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  • I.11

    I.12

     

     Amélie Nothombe

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