• Aucune étude, répétons-le, n'égale en grandeur la contemplation des prodigieux précipices ouverts par le mal dans le genre humain. Qui rêve de les fermer doit oser les sonder. Vol, ignorance, prostitution, misère, autant de lieux de chute, autant d'hiatus vertigineux, autant d'horribles bouches sépulcrales où tombent, neige noire, des millions de vivants. Ces escarpements de l'abîme attirent le penseur. Ils attirent quiconque veut voir les sombres énormités sacrées, quiconque veut voir les cavernes visionnaires pleines des nuées de l'infini, quiconque veut voir les dragons du rêve, quiconque voudrait voir Babylone, quiconque voudrait voir Léviathan, quiconque a les curiosités formidables. Etes-vous miséricordieux ? Venez, et regardez. Ensuite nous pleurerons ; ensuite nous aviserons. Il suffit, pour avoir envie de se pencher sur ces profondeurs, de se sentir ému et attendri par ces immensités d'amertume, et d'avoir une larme à donner à l'océan.

    Victor Hugo *

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  • On peut certainement chercher une des raisons de la misère des conditions intellectuelles dans le nombre exagéré des professeurs : c'est à cause d'eux que l'on apprend si peu et si mal.

    Humain, trop humain (1878-1879) Friedrich Wilhelm Nietzsche *

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  • Celui qui ne dispose pas des deux tiers de sa journée pour lui-même est un esclave, qu'il soit d'ailleurs ce qu'il veut : politique, marchand, fonctionnaire, érudit.

    Friedrich Nietzsche 

    Friedrich Nietzsche *
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    Peut-être que la différence fondamentale entre société et société de masse est-elle que la société veut la culture, évalue et dévalue les choses culturelles comme marchandises sociales, en use et abuse pour ses propres fins égoïstes, mais ne les "consomme" pas (...) Elles se désintègrent jusqu'à ressembler à un tas de pierres, mais ne disparaissent pas. La société de masse, au contraire, ne veut pas la culture, mais les loisirs (entertainement), et les articles offerts par l'industrie des loisirs sont bel et bien consommés par la société comme tous les autres objets de consommation (...) la culture se trouve détruite pour engendrer le loisir. Le résultat n'est pas une désintégration, mais une pourriture (...)

      Hannah Arendt *

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  • Ce qu'on appelle diplomatiquement la "discrétion", ou encore arcana imperii, les mystères du pouvoir - , la tromperie, la falsification délibérée et le mensonge pur et simple employés comme moyens légitimes de parvenir à la réalisation d'objectifs politiques, font partie de l'histoire aussi loin qu'on remonte dans le passé. La véracité n'a jamais figuré au nombre des vertus politiques, et le mensonge a toujours été considéré comme un moyen parfaitement justifié dans les affaires politiques. Qui prend la peine de réfléchir à ce propos ne pourra qu'être frappé de voir à quel point notre pensée politique et philosophique traditionnelle a négligé de prêter attention, d'une part à la nature de l'action et, de l'autre, à notre aptitude à déformer, par la pensée et par la parole, tout ce qui se présente clairement comme un fait réel. Cette sorte de capacité active, voir agressive, est bien différente de notre tendance passive à l'erreur, à l'illusion, aux distorsions de la mémoire, et à tout ce qui peut être imputé aux insuffisances des mécanismes de la pensée et de la sensibilité. (*)
    Un des traits marquants de l'action humaine est qu'elle entreprend toujours du nouveau, ce qui ne signifie pas qu'elle puisse alors partir de rien, créer à partir du néant. On ne peut faire place à une action nouvelle qu'à partir du déplacement ou de la destruction de ce qui préexistait et de la modification de l'état de choses existant. Ces transformations ne sont possible que du fait que nous possédons la faculté de nous écarter par la pensée de notre environnement et d'imaginer que les choses pourraient être différentes de ce qu'elles sont en réalité. Autrement dit, la négation délibérée de la réalité - la capacité de mentir - , et la possibilité de modifier les faits - celle d'agir - sont intimement liées; elle procèdent l'une et l'autre de la même source : l'imagination. Car il ne va pas de soi que nous soyons capables de dire : "le soleil brille", à l'instant même où il pleut (certaines lésions cérébrales entraînent la perte de cette faculté); ce fait indique plutôt que, tout en étant parfaitement aptes à appréhender le monde par les sens et le raisonnement, nous ne sommes pas insérés, rattachés à lui, de la façon dont une partie est inséparable de tout. *
    Nous sommes libres de changer le monde et d'y introduire de la nouveauté. Sans cette liberté mentale de reconnaître ou de nier l'existence, de dire "oui" ou "non" - en exprimant notre approbation ou notre désaccord non seulement en face d'une proposition ou d'une déclaration, mais face aux réalités telles qu'elles nous sont données, sans contestation possible, par nos organes de perception et de connaissance - il n'y aurait aucune possibilité d'action; et l'action est évidemment la substance même dont est faite la politique.

    "Du mensonge en politique" Hannah Arendt *

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