•  

    une maison avec 7 ou 8 personnes
    qui y vivent
    en se partageant le loyer.
    il y a une chaîne qui ne sert jamais
    et une paire de bongos
    sur lesquels personne ne tape
    et il y a des tapis sur les fenêtres
    et vous fumez
    tandis que les cafards
    trébuchent sur les boutons de votre
    chemise et s'écrasent
    au sol.

    la nuit tombe
    et quelqu'un sort
    chercher de la bouffe.
    vous l'avalez
    puis dodo. tout le monde s'endort
    en même temps : sur le sol, sur les tables basses,
    sur les divans, sur les lits et dans les baignoires.
    il y en a
    même un qui dort dans les plates-bandes
    dehors.

    puis quelqu'un se réveille et
    dit : "allez debout, on va s'en
    rouler un!"

    d'autres se lèvent.
    "d'accord, ouais, o.k."

    "parfait, allez debout, que quelqu'un
    les roule, allez,
    défonçons-nous."

    nous fumons quelques joints et puis
    nous retournons nous coucher
    mais cette fois nous changeons de places :
    le divan pour celui qui était dans la baignoire,
    la table basse pour celle qui était sur le tapis,
    le lit pour celui qui dormait à même le sol, et
    un nouveau s'écroule dehors,
    sur les plates-bandes

    et ils n'ont toujours pas retrouvé Patty Hearst et Timothy Leary
    ne veut pas adresser la parole à
    Allan Watts.

    Charles Bukowski

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  • Un fou, c'est quelqu'un qui a laissé la souffrance prendre sa place.
    "Ta grand-mère est chez les fous. Ils l'ont attachée avec des draps. Elle se  débat toute la journée sur une chaise." Celui qui me parle ainsi est mon grand-père, époux de celle que j'imagine aussitôt momifiée de blanc, hurlant sans qu'un seul bruit sorte de sa bouche. J'ai huit ans. Les paroles que je viens d'entendre ont donné à la cuisine où je me trouve une lumière atomique, carcérale...

    Il n'y a aucune méchanceté chez cet homme. Les pires catastrophes ne sont pas engendrées par des hommes mauvais mais simplement faibles ou inconscients...

    Mais ce soir-là je ne chercherai pas à retarder l'heure du coucher. J'entrerai dans ma chambre avec, dans mon coeur, cette image comme sortie d'un terrible livre de contes : un vieil homme éclatant de rire devant une démente ligotée sur une chaise Ma grand-mère avait été internée bien avant ma naissance. J'ignorais jusqu'à ce soir où elle était. Dans ma famille on ne parlait pas des choses graves. Parfois quelqu'un s'en allait plus loin que la mort. Le nom de l'absent n'était plus jamais prononcé.

    C. Bobin "Prisonnier au berceau" 

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    ô donnez-moi juste une petite bombe atomique
    pas une grosse
    juste une petite
    assez pour tuer un cheval dans la rue
    mais il n'y a pas de chevaux dans la rue

    alors, assez pour renverser les fleurs dans un bol
    mais je ne vois pas de
    fleurs dans un
    bol

    assez alors
    pour faire peur à mon amour
    mais je n'ai pas d'
    amour

    bon
    donnez-moi alors une bombe atomique
    pour nettoyer ma baignoire
    comme un enfant sale et adorable

    (j'ai une baignoire)

    Jouer du piano ivre comme d'un instrument à percussion jusqu'à ce que les doigts saignent un peu de Charles Bukowski *

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  • C'est dans l'étincellement de paroles vraies que je découvrais une autre vie possible, cachée dans cette vie même. Cette vision très vite se refermait. Chaque fois qu'on m'emmenait dans la famille éloignée, j'étais sais par une angoisse semblable à celle qui vient aux bêtes qu'on mène a l'abattoir, quand elles ont l'intuition foudroyante qu'elle ne reverrons plus jamais le ciel changeant et les herbes parfumées : la convention - cette interdiction faite à l'âme de respirer - régnait. Les paroles comme des mouches s'agglutinaient sur le ruban collé des convenances. Les cadeaux pesaient comme de la fonte. Les repas diraient des siècles. La vie était une mendiante que des serviteurs avaient la consigne de laisser à la porte. C'était comme si on m'avait enlevé le coeur pour le poser sur une plaque de marbre froid - et l'oublier là. Je pensais à la solitude de ma chambre comme à un paradis que j,e ne reverrais plus. Je me demande comment j'ai pu survivre à tant d'absence. Du fond de leur cercueil les morts devaient connaître plus de fantaisie que je n'en trouvais dans ces salles à manger où j'ignorais quel bois était le plus dur, celui des tables basses ou celui des visages.

    Un rayon de soleil sur un coin de table me donnait plus de joie qu'à Napoléon l'annonce d'une victoire sur une armée ennemie.

    C. Bobin "Prisonnier au berceau"

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    New York, années 70. Hannah Arendt vit retirée, entourée de ses amis qu’elle appelle sa « tribu ». Dans son Journal de pensée, elle expérimente un nouveau langage philosophique qui donne libre cours à son imagination. Sans esprit de système, Hannah Arendt laisse la pensée flotter "sans appui".

    Une série documentaire produite par Christine Lecerf réalisée par Julie Beressi

    Lien vers les photos

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